« De l’utilité de l’abolitionnisme »

« De l’utilité de l’abolitionnisme »

Prenons un peu (et même beaucoup !) de hauteur avec cet essai, remarquablement écrit, du doctorant en droit David Chauvet, cofondateur de Droits des animaux.

« D’un naturel plutôt sceptique, je n’ai guère tendance à entrevoir sous un jour toujours favorable l’avenir de cette cause […]. Hier moquée, elle a désormais le vent en poupe. Demain, peut-être […] l’écoutera-t-on sans que cela change grand-chose à la condition des animaux que nous asservissons. […] » Dans son très court mais très riche « avant-propos », l’auteur nous fait part des doutes que pourraient ressentir les pessimistes sur les suites de ce combat abolitionniste, ô combien humaniste et nécessairement politique, pourtant bien engagé.

Pourquoi consommer « de la viande » ? Cette expression elle-même démontre déjà la négation de l’animal, devenu simple corps, cadavre, et dont la chair est transformée en divers morceaux, pour certains qualifiés « de choix ». Mais le déni ne se trouve pas là. Il est dans la justification de notre consommation de viande, ainsi clairement explicitée par David : «  […] ce n’est pas que nous mangeons les animaux parce que nous pensons qu’ils n’ont pas de conscience, mais nous pensons qu’ils n’ont pas de conscience parce que nous les mangeons. […] Le déni n’est donc pas à l’origine de notre consommation de viande mais n’en est que le moyen, en ce qu’il la préserve d’une conscience animale qui la rend inconfortable. »

Les animaux n’auraient pas de conscience-volonté, justificatif pratique pour les manger sans culpabiliser, mais une conscience-subjectivité : « nous les disons [donc] dépourvus de conscience tout en reconnaissant leur sensibilité ». C’est « pourquoi il est si facile de reconnaître le statut d’animal sensible dans le droit ». Avant de vous laissser découvrir Une raison de lutter – L’avenir philosophique et politique de la viande (L’Âge d’Homme, Poche, 2017), une indication importante : les notes, clairement lisibles — c’est rarissime ! —, sont une valeur ajoutée au livre.

Une dernière avant la route (vers une librairie) : c’est grâce à la persévérance de David Chauvet et Jean-Pierre Garrigues, président du CRAC Europe — et au talent de leurs avocats ! —, que l’inscription de la corrida au PCI, patrimoine culturel immatériel, a été « regardée comme ayant été abrogée ».
Luce Lapin