Bougrain Dubourg : la plume des sans-voix

Bougrain Dubourg : la plume des sans-voix

Sans tomber, et c’est appréciable, dans le piège de l’anthropomorphisme de bas étage qui le guettait, mais en s’en servant et en le servant avec brio, le président de la LPO, Ligue pour la protection des oiseaux, journaliste et écrivain, se met dans la peau de nos si mal nommés « frères inférieurs ».

Allain, pour qui « l’indifférence à leur égard s’apparente à un crime contre l’humanité », exprime avec l’extrême sensibilité qu’on lui connaît et lui reconnaît ce qu’éprouve tout être sensible, quel qu’il soit. La douleur, le stress, la peur, l’angoisse, prévalent malheureusement sur le ressenti positif, agréable, que sont la joie, la chaleur, les caresses…

Seize lettres : celle du cochon à l’éleveur, puis celle du lapin, de la tortue luth aux jeteurs de plastique, du lévrier espagnol aux chasseurs, du blaireau aux déterreurs, du tigre aux circassiens, du peuple de la terre aux aménageurs, du vautour fauve aux protecteurs des rapaces, du requin aux coupeurs d’ailerons, de l’ortolan aux braconniers, du taureau aux toreros, du loup au berger, du poussin à l’éleveur, du cheval à l’hippophage, du rat de laboratoire au chercheur, du singe à l’homme  – plus une dernière, celle « à l’animal que nous sommes ». « À bien des égards, vous avez banni vos voisins de planète, les animaux, de votre civilisation. » Animaux et écologie, même combat. À nous de le mener efficacement… et proprement.

Ces lettres, terribles, sans concession aucune, sont adressées à ceux qui les prennent pour de simples « bêtes », parce que c’est plus facile, et que ça déculpabilise. Ceux qui, par pur déni  – c’est plus confortable –, n’ont jamais voulu ouvrir les yeux y découvriront, crûment mises au jour, les terribles souffrances endurées, causées par nous, humains, à ces animaux non humains. Nous ne leur demandons pas leur avis pour les consommer (transformés en « viande » ou pêchés), nous en vêtir (cuir, fourrure), les expérimenter (considérés et traités comme simple matériel dans les labos), les exhiber pour le dieu Fric (cirques, delphinariums) ou s’acharner sur eux jusqu’à la mort sous couvert de loisirs (corrida, chasse).

C’est un très très beau livre – et je suis objective, si, si  –, magnifiquement écrit et construit, avec une empathie telle qu’il vous procurera des moments d’intense d’émotion et, surtout, je l’espère, de compassion… et plus si affinités — ça rime avec larmes versées.

Allain, au secours ! Comment on en est encore là, dis-moi ? « Les gens ne mesurent pas l’urgence de la souffrance. Chaque jour qui passe, c’est de la souffrance qui s’accumule, alors qu’on pourrait épargner ces pauvres bêtes. »
Luce Lapin

• Lettres des animaux à ceux qui les prennent pour des bêtes, Allain Bougrain Dubourg (Les Échappés, janvier 2018).