La peau des ourses

La peau des ourses

Des joujoux pour les chasseurs et les éleveurs, qui menacent de les flinguer. Jeudi 4 octobre dernier – apprécions le choix symbolique de la Journée mondiale des animaux –, une première ourse slovène a été lâchée (et non relâchée, vu qu’elle n’avait jamais mis les pattes en France) dans la vallée d’Aspe, puis une seconde le lendemain, afin, comme ils disent, de perpétuer la souche… pyrénéenne.

Mais que sont donc devenues les habitantes de ces montagnes ? Entre la fin des années 1990 et le début des années 2000, Cannelle (la dernière des Ursus arctos), Claude et Melba sont tuées d’un coup de fusil. Palouma, larguée dans une forêt hostile et inconnue, meurt dans une chute seulement quatre mois après son arrivée de Slovénie. Franska est tuée sur la route — surprise, plusieurs dizaines de plombs sont retrouvés lors de son autopsie. Et, cadeau pour ceux qui sont encore en vie, des pots de miel remplis de morceaux  de verre sont déposés dans les arbres. Bienvenue…

En Slovénie vivent quelques centaines d’ours, espèce protégée mais tout de même chassée. Ici, la plupart des écologistes prétextent que c’est leur sauver la vie de les amener en France, alors que le risque y existe aussi. D’ailleurs, on y tue bien les loups – arrivés, eux, tout seuls chez nous –, protégés par la Convention de Berne, et pourtant tirés légalement… Que signifie aujourd’hui la prétendue protection des espèces ?

Cavanna avait raison. S’il n’y a plus naturellement d’ours dans les Pyrénées, c’est parce que les hommes y ont rendu les conditions de vie impossibles pour eux. Alors des oursons à naître dans nos Pyrénées, au péril de leur vie, c’est irresponsable. Tout cela pour faire beau dans le paysage, pour le côté « couleur locale », pour les touristes, ça va leur plaire, ce petit frisson lors des balades – qui sera « l’homme qui a vu l’ours » ?… Si vous n’avez pas encore profondément intégré la signification du mot spécisme, c’est l’occasion – ne la loupez pas ! – d’enrichir votre vocabulaire. Je souhaite le meilleur aux deux petites et à leur progéniture, puisque Claverina et Sorita attendent chacune un petit… slovène – pour la « souche pyrénéenne », on repassera. Il ne reste plus qu’à leur souhaiter d’échapper au pire. Dérisoire espoir…

Parce que, pour moi, ce n’est pas l’espèce qui compte, mais l’individu.
Luce Lapin

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