L’État à la botte des chasseurs

Le 2 juin 2010, la FNC (Fédération nationale des chasseurs) reprochait, dans un communiqué de presse, à Jean-Louis Borloo de n’avoir pris « aucune mesure tangible […] contre les saboteurs de chasse ». Seulement deux jours plus tard, le 4 juin, le gouvernement français, sous l’impulsion du ministre de l’Écologie et des Fusils (contrairement à ce que l’on pourrait logiquement supposer, l’un n’empêche absolument pas l’autre), cède au lobby des chasseurs à courre en édictant, par décret, une contravention de cinquième classe, passible de 1 500 euros d’amende, pour « obstruction à un acte de chasse ». CPNT (Chasse, Pêche, Nature, Traditions), le parti de l’extrême chasse allié à la droite dure, de jubiler : « Grâce au partenariat CPNT – UMP, les chasseurs obtiennent une grande victoire, attendue depuis longtemps, contre les anti-chasse. » Réaction de Gérard Charollois, président de CVN (Convention Vie et Nature pour une écologie radicale), ainsi que de trois autres associations de protection animale.
Pour moi, quoi qu’il en soit, je n’y dérogerai pas : l’objectif, c’est tolérance zéro. Ni chasse à courre, ni chasse tout court !
Luce Lapin
19 juin 2010

ASPAS (Association pour la protection des animaux sauvages)
Nouvel exemple de collusion entre le ministre de l’Écologie et le monde de la chasse ou provocation gratuite de la part des chasseurs et de Borloo ? Toujours est-il que l’arrêté qui crée une contravention pour entrave à la chasse n’est pas grave seulement pour les amoureux de la nature et de la vie, mais plus généralement pour tous les citoyens. C’est une grave entrave au principe d’égalité de la République française. Nous assistons là à une grave hiérarchisation des activités, a fortiori de loisir, qui permet à certains de voir leur activité favorite placée bien au-dessus des autres. Une véritable entorse à la démocratie, qui est pourtant passée dans l’indifférence de tous les grands médias. Sans doute auront-ils pris ça comme une nouvelle blague de Borloo. Ou comme un jeu stupide entre chasseurs et écolos.
Pourtant, la chose est grave.
Au fait, tout cela pour quoi ? Pour trois ou quatre chasses à courre qui sont gênées chaque année en France ? En fait, il ne s’agit que d’un prétexte pour le monde de la chasse qui, depuis 2003, n’en finit plus d’engranger les privilèges. Chaque nouvelle loi sur la chasse lui apporte son lot de nouveaux avantages, de nouvelles prérogatives, toujours plus exorbitantes les unes que les autres, qui viennent flatter l’ego des vieux et inamovibles dirigeants de la chasse « à la française ». Et, de là, flatter de relents populistes l’électorat des chasseurs. Chasse Pêche Nature, Traditions est depuis quelques mois l’allié du parti du président de la République. Il faut bien leur donner quelques nouveaux gages, histoire de les faire tenir tranquilles jusqu’à la prochaine saison de chasse.
Pourtant, des décrets ou des arrêtés pour la sécurité à la chasse, il en faudrait de nouveaux. Ou, plus exactement, pour lutter contre l’insécurité à la chasse ! Car ce loisir, qu’il est absolument interdit d’entraver (mais qu’on peut encore critiquer, pour quelque temps…), est très très dangereux. Chaque année, des centaines d’accidents de chasse ont lieu. Des dizaines de personnes en garderont des séquelles à vie. D’autres, entre dix et trente, en mourront. Et que prévoit la loi contre ces dangers publics ? Rien ! Absolument rien !
La loi chasse 2000 avait bien prévu qu’un arrêté serait pris pour fixer les règles de sécurité de ce loisir. Cela n’a jamais été fait. Et Ladislas Poniatowski, le sénateur prochasse qui est à l’origine du décret d’entrave à la chasse, a fait supprimer cet article de loi. Pas de décret, plus rien dans la loi. Un véritable prestidigitateur !
Si l’on y ajoute que le jour sans chasse a lui aussi disparu, grâce à la bonté cynégétique de Roselyne Bachelot, que la France a la plus longue période de chasse d’Europe, que nous avons aussi le plus grand nombre de Nemrod, cela fait beaucoup. Vraiment beaucoup !
Et comme quand il y a de la gêne il n’y a pas de plaisir, les chasseurs ne se gênent plus pour rien. Les périodes de chasse ? Qui est allé arrêter les chasseurs qui ont tiré oies, canards ou limicoles trois semaines après la clôture de la chasse cette année ?
Les espaces protégés ? Non plus, on chasse (légalement !) dans plus de la moitié des réserves naturelles de France. Et comme il faut bien marquer le terrain, on les voit désormais chasser hors période de chasse dans les réserves naturelles, comme cette année dans la réserve de la baie de Seine. Qui les en a sortis ? Personne, pardi. Les gardes de l’ONCFS (Office national de la chasse et de la faune sauvage) avaient reçu des ordres. La gendarmerie aussi.
Entrave à la chasse ? Vous avez dit entrave à la chasse ? Mais vous rêvez. Qui oserait entraver un loisir si respectable? Qui oserait brimer ces grands amis des animaux et de la nature ? De si grands démocrates qui aiment tant faire partager leur amour de la vie rurale à grands coups de décrets, de fusils et de provocations outrageuses !
Pierre Athanaze
Aujourd’hui président de Action Nature – Rewilding France et d’AOC, Alliance des opposants à la chasse

DDA (Droits des animaux)
Le gouvernement entend désormais criminaliser les opposants à la chasse par une amende de 1 500 euros. Il faut croire que pour Jean-Louis Borloo défendre la chasse est aussi important que lutter contre les violences volontaires, par exemple, infraction habituellement punie par les contraventions de cinquième classe. On pourrait aussi citer les atteintes volontaires à la vie d’un animal, qui font aussi l’objet de ce type de contravention. Le fait de poursuivre durant des heures un animal qui, lorsqu’il n’est pas déchiré vif par les chiens, est noyé ou poignardé, n’est-ce pas une violence, une atteinte volontaire à sa vie ? Pourquoi ne pas poursuivre les veneurs plutôt que celles et ceux qui tentent de sauver leurs victimes ?
Car ne nous y trompons pas, c’est bien la défense de la chasse à courre qui est visée par ce décret, puisque c’est elle qui fait l’objet d’une opposition sur le terrain depuis plus de quatre ans, à cause de la surdité du gouvernement. Une présence très médiatisée, ce qui exaspère les chasseurs. Chaque fois que nous étions sur place, leur violence apparaissait publiquement. Qui, à part les chasseurs, défend encore la chasse à courre ? Beaucoup pensent même qu’elle est abolie depuis longtemps. Selon un sondage Sofres de 2005, 73 % des Français sont opposés à la chasse à courre. Pour la vénerie, nos actions font ressurgir le débat sur la légitimité de la chasse à courre, qui devient le premier loisir pénalement protégé ! Les chasseurs veulent faire taire la contestation en détournant l’appareil d’État à des fins privées. Conseillons à AREVA une mesure de ce type pour se débarrasser des antinucléaires !
Nous avons bien affaire à une répression politique, à un délit d’opinion. Une telle atteinte aux libertés publiques dépasse le cercle des écologistes et de la protection des animaux. Certes, la retraite et le pouvoir d’achat mobilisent plus que la chasse, et le gouvernement le sait. Mais est-ce une raison pour criminaliser la liberté d’expression dans un état de droit ? Il appartiendra bientôt au système judiciaire et aux institutions européennes d’en juger.
David Chauvet
www.droitsdesanimaux.net

RAC (Rassemblement Anti Chasse)
Vendredi 4 juin 2010, un décret a été promulgué, en cercle restreint d’amis, nous pourrions dire en catimini tant il paraît peu honorable de servir les intérêts d’un groupe de pression qui va à l’encontre de la volonté de la majorité des Français.
Se sentir obligé d’instaurer un délit d’obstruction à la chasse confirme, selon nous, d’une part, le contexte de clientélisme dans lequel il s’inscrit, ce qui n’est évidemment pas à l’honneur de nos parlementaires et de notre gouvernement, et cela montre d’autre part que la chasse, grande prêtresse de la torture sur des êtres sensibles, a besoin de se protéger. C’est dire combien elle est « approuvée » par nos concitoyens…
Si les tortionnaires qui prennent plaisir à traquer, exténuer, torturer et achever avec force et cruauté des êtres vivants ont fait appel à leurs soutiens parlementaires pour, malgré la très forte désapprobation des Français, passer en force ce texte inique, c’est que les forces pacifiques qui leur font face leur renvoient l’image hideuse et monstrueuse de leurs forfaits.
L’équipe du RAC
www.antichasse.com