Guéret, 29 mars 2014 : non à l’abattage rituel !
Entretien avec Aurore Lenoir, fondatrice coordinatrice du NARG, Non à l’abattage rituel de Guéret.
Quand et par qui a été porté le projet d’abattoir rituel à Guéret ?
Le projet d’abattoir de Guéret a été annoncé, pour la première fois, dans un article de La Montagne (édition Creuse) du 9 juillet 2011, à la suite d’une délibération du conseil communautaire de l’ancienne communauté de communes de Guéret Saint-Vaury (aujourd’hui communauté d’agglomération du Grand Guéret). Elle autorisait la signature d’une promesse de vente pour un terrain avec la Sas Sovialim. L’objectif est clairement annoncé : l’exportation. Il s’agit du premier abattoir de ce type en Europe et, qui plus est, à une échelle industrielle : un bovin toutes les 3 minutes, aussi bien pour un adulte que pour un veau, un ovin toutes les 60 secondes.
L’opposition citoyenne au projet se constitue en collectif, le NARG, qui se démarque clairement, dès le départ, des motivations de l’extrême droite, qui s’est également emparée du sujet. Cette opposition s’est fait immédiatement sentir et n’aura de cesse de grossir durant les deux années qui vont suivre. Pourquoi ? Car le projet d’abattoir de Guéret suppose une souffrance animale extrême. L’animal est égorgé en pleine conscience, et va subir une longue agonie, qui peut durer jusqu’à 14 minutes, durant laquelle il va tenter de se relever, de respirer. C’est également, de par l’absence d’étiquetage, une tromperie du consommateur, une atteinte à sa liberté de conscience et de religion, car il contribue, sans le savoir, à la souffrance animale. C’est enfin de graves risques sanitaires, qui ne sont pas sans rappeler la « vache folle ».
Pourquoi a-t-il été modifié ?
Le maire de Guéret, Michel Vergnier, député PS de la Creuse, fait alors face à l’opposition, seul. Le PDG de la Sovialim ne prendra publiquement la parole que le 5 juillet 2013 — sans pour autant répondre sérieusement aux revendications du NARG — pour annoncer… un compromis : le projet évolue vers un abattage mixte — « Pour rendre le projet plus acceptable, en rapport avec la forte opposition citoyenne », ajoutera un commentaire de FR3 Limousin. La Sovialim abandonne ainsi son principal argument commercial : dans le flou ambiant de la certification de la viande rituelle (source de tromperie pour tous les consommateurs, qu’ils soient religieux ou non), nous sommes les seuls à pouvoir assurer la traçabilité, puisque pratiquant un abattage exclusivement sans étourdissement.
Depuis novembre 2011, le député maire de Guéret, à l’instar de la Sovialim, nie les risques sanitaires et la souffrance animale, sans pour autant en apporter la preuve contradictoire. Le NARG lance alors un ultime défi à la Sovialim : assister au sacrifice d’un bovin avec possibilité de filmer et en présence d’un vétérinaire, afin de montrer aux citoyens ce qu’ils s’apprêtent à consommer et à financer. Le NARG propose également un débat public. Aucune réponse : la « transparence » revendiquée de la Sovialim a visiblement ses limites…
Y a-t-il un espoir que ce projet soit annulé, du fait de la résistance qui lui est opposée?
Depuis deux ans, M. Vergnier tente de justifier l’injustifiable, présentant avant tout l’intérêt économique du projet, mais laissant totalement de côté les aspects de bien-être animal et de prévention des risques sanitaires. C’est d’ailleurs l’unique question prise en compte par l’étude de faisabilité. À l’heure actuelle, le NARG s’est imposé localement comme un mouvement citoyen, mais regroupant également des professionnels compétents (vétérinaires, médecins…), clairement séparé de l’extrême droite, défendant une position en accord avec des rapports officiels, du ministère de l’Agriculture notamment, et entraînant à sa suite une mobilisation qui dépasse les frontières françaises. Aucun reportage ou interview sur le sujet n’est à présent publié sans évoquer la réaction du NARG. Les soutiens au projet d’abattoir se font de plus en plus timides, la promesse de vente du terrain est rendue caduque et plus aucune démarche n’est effectuée, que ce soit en préfecture pour autorisation ou auprès de la Région pour une demande subvention (indispensable, la Sovialim ne disposant, sur les 8 millions que coûterait le projet, que de 500 000 euros).
Récemment, le maire de Guéret, dans le cadre d’un article concernant sa candidature à sa succession pour les prochaines municipales, a annoncé « l’abandon du projet d’abattoir ». Le PDG de la Sovialim, Mustapha Masri, a rétorqué immédiatement que cela était faux et qu’il le maintenait. Se sont ensuivis plusieurs articles de presse ainsi qu’un reportage de FR3 Limousin (dans lequel intervient le NARG), traduisant une tension croissante entre la Sovialim et le maire de Guéret.
Quels soutiens comptez-vous ?
Avec ceux de Corinne Touzet, Raphaël Mezrahi, Allain Bougrain Dubourg, Mylène Demongeot, Henry-Jean Servat, Edgar Morin, le Dr Yves Lahiani, Gérard Charollois…, ainsi que le soutien de la Fondation Brigitte Bardot et de nombreuses associations de protection animale, le NARG peut enfin mettre le sujet « sur la place publique », obligeant les porteurs du projet d’abattoir à trouver de sérieux arguments en réponse à ses revendications.
Où en est-on aujourd’hui ?
La dernière intervention de la Sovialim ne donne aucune indication précise quant aux éventuelles avancées du projet et évoque, bien plutôt, un possible abandon en raison de l’opposition. Le député maire de Guéret se désolidarise… Le NARG est donc convaincu que le projet d’abattoir peut être abandonné cette année, si la grande manifestation unitaire, qui aura lieu le 29 mars prochain, à Guéret, rassemble plus de 2 000 personnes. Les militants de la cause animale peuvent concrètement empêcher la création de cet abattoir s’ils se déplacent en masse à Guéret pour montrer leur opposition. Une mobilisation maximale ira encore plus loin car, seule manifestation contre l’abattage sans étourdissement, son impact peut dissuader les autres départements de soutenir ce type de projet, mais également influer sur une évolution de la législation en faveur d’une obligation d’étourdissement, y compris dans le cadre de rites religieux, comme viennent de l’imposer plusieurs pays européens — la Pologne et, plus récemment, le Danemark.
Comment vous prémunir de la récupération que peut en faire l’extrême droite, par communautarisme, et des débordements le 29 mars?
En aucun cas nos revendications ne vont dans le sens d’une critique des communautés juive et musulmane. Ceux qui souhaitent se battre contre « l’islamisation de la France », prôner la haine et le refus de certaines communautés ne sont pas les bienvenus à cette manifestation. Par respect pour les animaux, nous prions ces personnes de ne pas venir instrumentaliser leur souffrance, dans le but de transmettre leurs messages haineux. Nous déplorons la récupération de ce sujet par l’extrême droite, alors qu’il s’agit d’un débat qui doit avant tout être mené devant l’Assemblée nationale et le Parlement européen, toutes étiquettes politiques confondues.
Nos trois dernières manifestations se sont très bien déroulées, sans aucun débordement à déplorer. L’extrême droite était absente lors de celle du 13 avril 2013, qui a rassemblé 800 personnes. Nous ne cessons d’imposer notre éthique et refusons ou excluons systématiquement tout membre ou soutien ayant des propos racistes ou à caractère antireligieux. Cela a été jusqu’à une menace de plainte, à mon encontre, de la part du représentant local du FN. Nous contrôlons tous les messages sur nos pages pouvant se rapporter à l’extrême droite. Nous multiplions également, sur nos pages, site et tracts, les déclarations rappelant les motivations du NARG.
Nous travaillons en collaboration avec la police et la gendarmerie afin de préserver au mieux la sécurité des manifestants et d’éviter tout incident. Un service d’ordre équipé est également prévu. Nous veillons tout particulièrement à ce problème et, pour le moment, rien ne laisse présager de mauvaise surprise. La manifestation du 29 mars 2014 sera, à l’instar de celle du 13 avril, le rassemblement de milliers de personnes en faveur du respect de l’animal en tant qu’être sensible. Des milliers de citoyens unis contre la souffrance animale. C’est pourquoi nous attendons beaucoup de notre manif — samedi 29 mars, 13 heures, place Bonnyaud. Venez nombreux, merci pour eux !
Propos recueillis par Luce Lapin
17 mars 2014