Approche (relative) d’une séance de torture, ou une petite histoire d’électrodes
Consciente de sa spécialité — neurologue, ça pose —, mais plutôt sympa, elle apprécie mes questions (je joue les décontractées, mais suis trahie par une voix angoissée) et y répond volontiers.
— Ça fait mal ?
— Au début, vous sursauterez, puis vous vous habituerez.
Ne jamais croire les médecins, ni d’ailleurs les vétos — « Mais non, il ne sent rien ! » — même si je caricature un peu.
D’accord, je suis douillette, mais peu importe que je le sois, ou pas, quand ça fait mal, on a mal. Là, si j’en crois la pro, et j’en ai envie, nulle question de douleur. Juste de « surprise ». J’essaie la confiance. Mauvaise pioche…
Je suis venue passer un EMG, ou électromyogramme, des membres inférieurs. Cet examen consiste, au moyen d’électrodes, à envoyer des impulsions électriques, au départ de faible intensité, puis « un peu » — comme ils disent — plus forte dans les nerfs (moteurs et sensitifs) afin d’en vérifier la bonne conduction. Ensuite les muscles sont contractés à l’aide d’une aiguille fine, « qui rappelle celles utilisées lors des séances d’acupuncture », m’indique la toubib. Cela ne me parle pas, vu que je n’ai jamais pratiqué cette forme de médecine. Seulement voilà, confrontée à la douleur, je ne la supporte ni pour moi ni pour les autres, humains ou animaux — nous sommes tous égaux devant. Elle m’est insupportable, mais pas seulement. Je trouve inadmissible le fait de l’infliger à des êtres sensibles qui l’éprouvent. Pour moi, c’est clair. On n’a pas le droit.
C’est pourquoi, très vite, je me mets à penser à l’utilisation de la gégène pendant la guerre d’Algérie, puis inévitablement, aux expériences, neurologiques dans ce cas, sur les animaux. Aux électrodes implantées dans le cerveau des singes, des chats… Mes (très) faibles compétences scientifiques stoppant déjà net à ce stade, j’appelle à l’aide le docteur vétérinaire belge André Ménache, directeur scientifique d’Antidote Europe, sur ce sujet :
« Selon mes connaissances, la plupart des électrodes implantées chez les animaux dans les labos sont utilisées plutôt pour enregistrer les réactions neuronales. Par exemple, on enregistre le comportement des nerfs de la région visuelle chez un singe ou un chat qui regarde des objets sur un écran. On appelle ce genre d’études de la “recherche fondamentale”. La recherche fondamentale consiste en des travaux expérimentaux ou théoriques entrepris principalement en vue d’acquérir de nouvelles connaissances sur les fondements des phénomènes et des faits observables, sans envisager une application ou une utilisation particulière (= curiosité scientifique). Selon un sondage subventionné par la Commission européenne, on constate que 68 % des citoyens de l’UE sont opposés à ce genre d’expérimentation animale, alors que ces mêmes citoyens sont les contribuables (voir ici et là)…
Il existe également des expériences sur des animaux où la moelle épinière est découpée. Dans ce cas, les électrodes peuvent être utilisées pour stimuler les nerfs coupés. Ce genre de recherche est ciblé pour trouver des solutions pour les gens qui ont subi de graves accidents (de voiture, de guerre, etc.). Si l’on fait une recherche dans la bibliographie scientifique, on trouvera des chercheurs qui pratiquent ces affreuses expériences sur animaux (où l’animal est blessé exprès, bien sûr), tandis qu’il existe également des chercheurs qui travaillent avec des gens handicapés de façon non invasive et pas nocive afin de trouver des moyens pour les aider.»
Dr André Ménache
Puis, en complément, une intervention de Claude Reiss, président d’Antidote Europe :
« Toutes ces manips d’animaux bardés d’électrodes ou coupés en rondelles en vue d’en déduire des connaissances valables pour l’homme sont à présent des manips sans queue ni tête (même littéralement…), du n’importe quoi, les “chercheurs” qui les pratiquent devraient en avoir honte, mais leur ignorance est à la mesure de leur arrogance. Planter des électrodes dans le nerf optique du chat ? On verra que, comme chez nous, il y passe un faible courant électrique, ce que l’on sait depuis longtemps, mais la région du cerveau où la scène est vue est totalement différente entre le chat et l’homme. Chez ce dernier, les méthodes modernes d’imageries (tomographies) permettent de voir avec une précision du micromètre où un stimulus optique aboutit et comment cette information est transmise aux régions de cerveau en charge d’y réagir (esquiver, saisir, rediriger le regard, émotions empathie, intérêt…). »
Claude Reiss
Ces expériences sont effectuées sur des rats, des chats et des singes, et pratiquées en Europe, en Israël, aux États-Unis, en Chine, au Japon et en Corée du Sud (info André Ménache).
Luce Lapin, avec l’aide précieuse d’André Ménache et Claude Reiss
30 mars 2014