Bougrain Dubourg : Hollande atteint du syndrome Sarkozy
Mardi 15 avril 2014, à l’Assemblée nationale, a été voté un amendement du Groupe socialiste reconnaissant les animaux comme des « êtres vivants doués de sensibilité ». Le Code civil ne les considérait jusque-là que comme des « biens meubles » — contrairement au Code rural et au Code pénal. Passé l’euphorie, on a vite compris que l’intention de ses auteurs, dont en première ligne l’aficionado Jean Glavany (ex-ministre de l’Agriculture, député PS des Hautes-Pyrénées), n’était pas si charitable qu’on l’aurait souhaité. La position d’Allain Bougrain Dubourg, président de la Ligue pour la protection des oiseaux, sur cette fausse « révolution ».
Une avancée pour les animaux ?
L’évolution du bien-être animal n’en sera pas bouleversée. Et l’on serait tenté de dire : cela ne changera rien ! J’ai pourtant une appréciation beaucoup plus positive. En effet, cet amendement se place sur un plan éthique. Il reconnaît dans notre code fondamental, le Code civil, la notion d’« être vivant doué de sensibilité », ce qui n’était pas le cas précédemment. Cet amendement apparaît comme une nouvelle forme de morale qui faisait défaut. Il invite au respect que l’on doit à nos voisins de planète, les animaux. Il peut surtout avoir un mérite : servir de marchepied à un débat que la garde des Sceaux n’a pas refusé.
Que pensez-vous de cette initiative soudaine de Jean Glavany ?
Très franchement, il est sorti du bois de manière inattendue, et Geneviève Gaillard, qui préside le groupe d’études sur les animaux à l’Assemblée nationale (avec un dévouement admirable !), n’en revenait pas, alors qu’elle préparait un texte beaucoup plus ambitieux depuis un an et demi. Peut-être que Jean Glavany a tout simplement souhaité lui couper l’herbe sous le pied, afin que, lorsque le travail de Geneviève Gaillard viendrait devant les députés, on puisse lui répondre : « On l’a déjà traité, circulez, il n’y a plus rien à voir … » Je rends également hommage au groupe écologiste, qui s’est pleinement investi dans ce dossier en soutenant Geneviève Gaillard.
Que vous inspire François Hollande ?
J’aime trop les oiseaux pour le traiter de « tête de linotte », mais ça y ressemble. Durant la campagne présidentielle, il s’était engagé par écrit à revisiter le statut de l’animal, puis, au Salon de l’agriculture, il fut atteint du même syndrome que Nicolas Sarkozy, en reniant ses engagements, et le voilà dépassé par son propre parti. Il y a des moments où la biodiversité, qui est d’une grande complexité, me paraît plus simple à comprendre…
Propos recueillis par Luce Lapin
• Photo d’une linotte : Michel Rogg, LPO