Justice : de l’inscription (ou non) de la corrida au patrimoine
Tout l’historique, en ordre décroissant
Justice et culture : la corrida bannie du patrimoine
Le 27 juillet 2016, le Conseil d’État a jugé irrecevable le pourvoi en cassation de l’ONCT, Observatoire national des cultures taurines, et de l’UVTF, Union des villes taurines de France, ce qui rend définitive la décision de la cour administrative d’appel du 1er juin 2015 : « La décision d’inscription de la corrida à l’inventaire du patrimoine culturel immatériel de la France [PCI] doit être regardée comme ayant été abrogée. »
L’ONCT et l’UVTF devront verser 3 000 euros aux associations CRAC Europe pour la protection de l’enfance et Droits des animaux, qui avaient porté plainte contre son inscription au PCI, perdu, puis gagné en appel — d’où le pourvoi en cassation des deux associations procorrida. Une immense victoire, et un très sale coup, bien mérité, pour les aficionados — dont notre Premier ministre, Manuel Valls, pour qui la corrida « fait partie de [sa] famille ».
Sans la ténacité et la grande compétence de Jean-Pierre Garrigues, président du CRAC Europe, et de David Chauvet, cofondateur de DDA, qui n’ont « rien lâché » (un énorme BRAVO à tous les deux !), la corrida serait définitivement inscrite au patrimoine culturel immatériel de la France depuis janvier 2011, date à laquelle le ministère de la Culture, représenté par Frédéric Mitterrand, avait donné son accord pour son inscription, au même titre que « la tarte Tatin, le fest-noz, la tapisserie d’Aubusson, les parfumeurs de Grasse »…
Grande satisfaction de J.-P. G. : « Les taureaux vous remercient ! 27 juillet 2016, au cœur de l’été. Les cigales chantent et… le conseil d’État gronde! La corrida, immonde pratique barbare issue d’un temps révolu, ne fait plus partie du PCI, patrimoine culturel immatériel de la France. Elle est définitivement radiée, après cinq ans de procédures et de combats acharnés. Merci à Droits des animaux et en particulier à David Chauvet, juriste exceptionnel, et aux militants du CRAC Europe. Et si une personne physique ou morale prétend le contraire, elle sera immédiatement poursuivie en justice ! »
Soulagement de D. C. : « Il va de soi que l’abolition de la corrida serait nettement plus difficile si elle consistait à abolir une partie du patrimoine de la France. Dans une France endeuillée par les récents événements tragiques, réjouissons-nous [qu’elle] n’abrite plus en son patrimoine la glorification du sang innocent versé, fût-ce celui des animaux. »
Conclusion logique : puisque la corrida ne fait pas partie de la culture de la France… ABOLITION !
Luce Lapin
3 août 2016
La corrida au patrimoine culturel immatériel de la France : allez, ouste !
Le 27 mai 2015, je prenais connaissance de l’audience en appel de l’inscription (ou non) de la corrida à notre PCI, Patrimoine culturel immatériel. Le CRAC Europe pour la protection de l’enfance et Droits des animaux avaient attaqué l’inscription au PCI, perdu en première instance devant le tribunal administratif de Paris le 3 avril 2013 et fait appel de cette décision. Le 18 mai, la rapporteure publique avait considéré que la corrida avait bien été inscrite au PCI de la France et qu’elle en avait été retirée entre mai et octobre 2011 — toute référence à ce classement ayant disparu du site Internet du ministère de la Culture. Elle avait donc préconisé d’annuler le jugement de première instance et de prononcer un non-lieu à statuer dans la mesure où ce classement n’existait plus. Résultat : une victoire magistrale et inédite. La cour administrative d’appel de Paris (CAA) a considéré dans un arrêt du 1er juin, rendu public jeudi 4, que la « décision d’inscription de la corrida à l’inventaire du patrimoine culturel immatériel de la France doit être considérée comme ayant été abrogée » par le ministère de la Culture.
Réaction de David Chauvet, président de DDA : « Il s’agit d’une victoire judiciaire de première importance pour la cause animale, qui marque l’aboutissement de deux années d’efforts. Une pratique telle que la corrida est sans doute plus difficile à combattre lorsqu’elle fait partie du patrimoine de l’État. C’est aussi la première étape d’un classement à l’Unesco. D’autres tenants de pratiques cruelles pour les animaux avaient dans leurs communications internes manifesté leur intention de suivre l’exemple des aficionados, si la procédure judiciaire leur donnait raison. Cette victoire pourrait refroidir ces ambitions. »
Celle de Jean-Pierre Garrigues, président du CRAC Europe : « Nous vivons une journée historique dans la lutte pour l’abolition de la corrida. C’est un recul sans précédent pour le petit monde de la torture tauromachique, une décision d’un tribunal sans ambiguïté. Et si le mundillo se pourvoit en cassation pour aller devant le Conseil d’État, de toute façon, ce pourvoi n’est pas suspensif et la corrida, à partir de ce jour et jusqu’à nouvel ordre, est bien exclue du PCI français. Après la relaxe des 29 militants de Dax, c’est le début de la grande vague abolitionniste ! À l’heure où la France reconnaît le caractère sensible de l’animal, et où la commission européenne rappelle que « L’Union européenne attache une grande importance au bien-être animal », il est plus que temps d’abolir la corrida, ce à quoi, forts de cette victoire, nous allons plus que jamais continuer à nous employer. »
Vendredi 5 juin, l’ONCT, Observatoire national des cultures taurines, s’est effectivement pourvu en cassation. Pour J.-P. Garrigues, « le CRAC Europe, Droits des animaux et leurs avocats sont tout à fait prêts pour ce nouveau combat qui leur donnera l’occasion de soumettre au Conseil d’État la question de fond de la légalité intrinsèque du classement de la corrida au regard des critères établis par l’Unesco ».
L’abrogation de la corrida au PCI, et je m’en réjouis, n’a pas dû faire plaisir aux aficionados ni à François Hollande, qui, le 3 juin dernier, alors que la majorité des Français sont opposés à la corrida, recevait le roi d’Espagne, Felipe VI, et son épouse à l’Élysée lors d’un dîner auquel étaient conviés de « grands noms » de la tauromachie. Le repas a dû être agréable aux côtés de Bernard Dombs, alias Simon Casas, ancien matador, directeur des arènes de Nîmes et Valence (Espagne), le matador Jean-Baptiste Jalabert, dit Juan Bautista, et la rejoneadora Léa Vicens, probablement sur les bons conseils de Manuel Valls, notre Premier ministre aficionado acharné, certainement triste de n’avoir pas pu y assister. Inutile dès lors de continuer à se demander pourquoi les ministres de la Culture qui ont succédé à Frédéric Mitterrand, d’abord Aurélie Filippetti, puis Fleur Pellerin, n’ont pas, depuis 2012, bougé le petit doigt pour désinscrire ce qui faisait honte à la France. À vrai dire, on s’en doutait un peu…
Vivement la suite ! Et la suite, c’est l’ABOLITION !
Luce Lapin
10 juin 2015
Justice : de l’inscription (ou non) de la corrida au patrimoine culturel de la France
Vendredi 22 avril 2011, en pleine feria d’Arles, on apprenait que le ministère de la Culture (oui, la « culture »…), dont Frédéric Mitterrand était en charge, avait donné son accord, trois mois plus tôt et en grand secret, pour que la tauromachie soit inscrite sur la liste du PCI, patrimoine culturel immatériel de la France.
La tauromachie inscrite au même titre que « la tarte Tatin, le fest-noz, la tapisserie d’Aubusson, les parfumeurs de Grasse »… Deux associations, le CRAC Europe pour la protection de l’enfance et Droits des animaux, attaquent aussitôt. Elles perdent en première instance devant le tribunal administratif de Paris le 3 avril 2013, et font appel de cette décision.
Fin 2013 paraît La Récréation (éd. Robert Laffont). L’ex-ministre, qui fut très « sollicité » (lui se disait « harcelé »…) par les militants anticorrida, y dévoile de quelle façon se fit l’inscription : « Stupéfaction ! Une obscure commission du ministère dont je ne soupçonnais même pas l’existence vient d’inscrire la tauromachie au patrimoine immatériel de la France […]. La tauromachie n’est pas une tradition innocente et j’imagine le forcing auquel ont dû se livrer en catimini toutes sortes d’élus pour entraîner une poignée de fonctionnaires à consigner cette inscription. » La stupéfaction, nous la ressentons également en apprenant que la corrida a été inscrite sans que le ministre soit au courant. Le responsable (et coupable) est un certain Philippe Bélaval, aficionado acharné, à l’époque directeur général des Patrimoines, membre fondateur de… l’ONCT (Observatoire national des cultures taurines).
On arrive à aujourd’hui, plus exactement au 18 mai dernier : l’audience en appel. Des militants sont là pour soutenir le CRAC Europe et Droits des animaux. Pour la première fois, on se permet d’espérer quand on entend la rapporteure publique : elle considère que la corrida a bien été inscrite au PCI de la France et qu’elle a été retirée de ce même PCI entre mai et octobre 2011. En effet, toute référence à ce classement avait disparu du site Internet du ministère de la Culture. La rapporteure préconise alors d’annuler le jugement de première instance et de prononcer un non-lieu à statuer dans la mesure où ce classement n’existe plus. Décision du tribunal sous quinze jours. J’apprends par ailleurs que, neuf fois sur dix, les tribunaux administratifs suivent l’avis des rapporteurs publics. Que la justice reconnaisse que la corrida n’est plus inscrite au PCI français serait une immense victoire, un très sale coup pour les aficionados, pour notre Premier ministre, friand de cette barbarie, et un pas de plus vers l’abolition.
Luce Lapin
27 mai 2015
Inscription de la corrida au patrimoine : entre potes !
C’est très probablement à lui qu’on la doit. Philippe Bélaval est directeur général des patrimoines au ministère de la Culture et de la Communication depuis 2010, et très ami avec Frédéric Mitterrand — vous savez, le ministre de la Culture, celui-là même qui laisse communiquer le président de l’ONCT (Observatoire national des cultures taurines), André Viard, à sa place. Il a certainement influencé Mitterrand en faveur de l’inscription, ne cachant pas lui-même son « afición » pour les « toros », comme disent (et écrivent) les purs et durs — ça fait couleur locale. C’est comme qui dirait dans ses gènes, sa famille étant depuis toujours très proche du mundillo — le « petit monde » de la tauromachie, dont font partie Sarkozy et Fillon. Le hasard, ou ce qui en tient lieu, faisant, comme toujours, bien les choses, ledit Bélaval est — tiens donc ! — cofondateur de l’ONCT (2008), ex-membre de son conseil d’administration, ainsi que membre du club taurin La Querencia (Paris). Il n’y aurait pas un petit conflit d’intérêts dans l’air ? Casse-toi, le hasard, tu déranges.
Quoi qu’en dise Frédéric Mitterrand, qui pense à (grand) tort que l’on va « se calmer », comprenez cesser de « désorganiser [leurs] services [sic] » par nos (vos !) actions, l’inscription de la corrida au patrimoine mondial de l’Unesco est maintenant rendue possible — et même de façon imminente — par son inscription sur la liste du patrimoine culturel immatériel de la France. Si cela arrive, ce sera dramatique, nous ne pourrons plus rien faire que de regarder impuissants massacrer des taureaux pour le simple bon plaisir de quelques sanguinaires, sous le fallacieux prétexte d’« art » et de « culture ». Et nous, contribuables, paierons les subventions allouées aux écoles taurines et à ces cruels « spectacles » d’un autre temps. Maintenons la pression, ne lâchons rien !
Luce Lapin
21 juin 2011
C’est ici que tout a commencé :
La corrida, patrimoine « culturel »
Les œufs de Pâques de Mitterrand, Sarkozy et Fillon à leurs amis taurins
Vendredi 22 avril 2011, en pleine feria d’Arles, on a appris que le ministère de la Culture (oui, la « culture »…) avait donné son accord en janvier pour que la tauromachie soit inscrite sur la liste du patrimoine culturel immatériel français. Dans l’objectif, seconde étape, de son inscription au patrimoine de l’Unesco, United Nations Educational Scientific and Cultural Organization (Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture).
En France, la priorité, ce n’est pas la crise économique. Ce n’est pas le chômage, ni la pauvreté, ni la baisse du pouvoir d’achat, ni les expulsions, ni les SDF, ni la régularisation des sans-papiers, ni la lutte contre le racisme, grandissant et inquiétant. Non. Chez nous, le plus important, pour nos gouvernants aficionados, c’est d’immortaliser la torture d’un herbivore à l’arme blanche dans un patrimoine mondial, afin de préserver de l’abolition, déjà votée en Catalogne espagnole le 28 juillet 2010 (effective le 1er janvier 2012), cette barbarie d’un autre âge. La tauromachie au même titre que « la tarte tatin, le fest-noz, la tapisserie d’Aubusson, les parfumeurs de Grasse ». Maintenant entachés du sang des taureaux.
Gloire à nous, on est les seuls : « La France devient donc aujourd’hui la honte du monde, le premier pays à reconnaître la corrida comme faisant partie d’un “patrimoine immatériel”. C’est la première étape pour que la France propose à l’Unesco de faire la même chose au niveau mondial. Tout cela est très grave. Cela va permettre à la corrida de recevoir d’importantes subventions de la part de l’État, ce qui n’était pas le cas pour l’instant, les communes, les départements et les Régions versant déjà des millions d’euros de subventions pour ce spectacle barbare », commente Jean-Pierre Garrigues, vice-président du CRAC Europe pour la protection de l’enfance. Réaction, depuis le Portugal, de Maria Lopes, coordonnatrice de l’IMAB (International Movement Against Bullfights, Mouvement International Anti Corridas) : « C’est une victoire pour les tauromachiques et aficionados et une honte pour la majorité des Français [72 %], qui n’appuient pas ces pratiques barbares. Nous devons lutter pour empêcher que l’Unesco les reconnaisse comme patrimoine mondial. » Un gouvernement français nauséabond pour Gérard Charollois, président de la CVN (Convention Vie et Nature pour une écologie radicale) : « Depuis leur accession au pouvoir, nous condamnions ceux qui affectionnent les tribunes de la cruauté. Aujourd’hui, ils sont démasqués pour tout ami des animaux, pour tout protecteur de la nature, pour tout humain pétri d’un peu d’empathie. Une telle ignominie impose une sanction politique. » Un coup très dur, mais on ne va pas se laisser abattre comme ça. Je vous tiens au courant des actions (très) prochaines. Rejoignez-nous, aidez-nous !
Luce Lapin
27 avril 2011