Ouverture de la chasse, fermeture de la nature
L’ouverture de la Grande Tuerie n’ayant pas lieu aux mêmes dates selon les départements, il est permis de massacrer de paisibles animaux, rebaptisés « gibier » par les tueurs, durant pratiquement toute l’année : en tout, plus de 30 millions de morts.
Parmi eux, les faisans d’élevage relâchés pour faire joujou, ainsi que les cochongliers, croisement entre un sanglier et un cochon, hybrides créés par les chasseurs. Au prix également de la sécurité des promeneurs, des cueilleurs de champignons, des cavaliers… Entretien avec le porte-parole de l’ASPAS, Association pour la protection des animaux sauvages.
Marc Giraud, quelles sont les différentes dates d’ouverture de la chasse, et à qui appartiennent nos forêts ?
L’ouverture générale ne se fait pas aux mêmes dates selon les départements, et il ne s’agit là que de deux formes de destruction : la chasse au tir (arc et fusil) et au vol (fauconnerie). En réalité, on peut chasser toute l’année en France, notamment des animaux décrétés “nuisibles” comme le renard. Bref, ce n’est qu’un épisode de plus dans une année de massacres. Les dates sont les suivantes : 23 août dans l’est, 3 septembre en Corse, le 10 dans la moité sud, le 17 dans la moitié nord sauf une poche entre la Bretagne et la moitié nord-est, le 24. Le Nord Pas-de-Calais n’a pas communiqué sa date à l’ONCF. Comme à chaque ouverture, nos terroirs sont soudain accaparés par des hordes de chasseurs en mal de défoulement, et gare à qui les gênerait dans « leur » nature : « On est chez nous ! », clame avec finesse le roi des tontons flingueurs, Willy Schraen, président de la FNC, Fédération nationale des chasseurs. Ah bon ? Pour l’ASPAS, qui se bat depuis vingt ans pour une trêve de la chasse le dimanche, l’évolution est en marche, et tôt ou tard la France reconnaîtra le droit des millions de non-chasseurs à se promener en paix, comme cela se pratique partout en Europe. L’ASPAS continue d’accumuler des milliers de signatures à sa pétition, et compte faire pression sur Nicolas Hulot pour que soit entendue la voix de la majorité des citoyens : 78 % des Français se déclarent favorables à une interdiction de la chasse le dimanche, et 80 % sont pour une réforme de la chasse — sondage IFOP 2016 commandé par One Voice (one-voice.fr) et l’ASPAS. En effet, le dimanche est le jour où ont lieu plus de la moitié des accidents et en même temps celui des promenades familiales : une trêve dominicale serait un joli pas en avant.
Quels dangers encourons-nous ?
Notre pays connaît un grave problème de sécurité. Quand on sait qu’une balle de battue peut tuer à 3 kilomètres et que chasser bourré est légal en France, il y a de quoi trembler dans son gilet fluo. Dès le 3 septembre, un adolescent de 17 ans est mort à l’hôpital de Bastia, suite à des blessures subies au cours d’une partie de chasse familiale. Le 10 septembre, en Ardèche, un chasseur a reçu une balle dans la jambe. Dimanche 17, en Vendée, un enfant de 13 ans a été tué par un tir de son grand-père, et deux blessés graves dans le Var. En 2015-2016, on a déploré 10 morts, en 2016-2017, 18, soit une hausse de 80 %. L’Office national de la chasse s’était pourtant félicité de ses progrès en matière de sécurité, c’est dire le nauséabond déni de réalité dans lequel patauge le lobby. Combien faudra-t-il de morts, de drames familiaux et de vies brisées avant que les ministères de l’Écologie et de l’Intérieur sortent de leur apathie et rendent un peu de nature et de sécurité à ses contribuables ? (Fin.)
Une première étape, urgente, est l’interdiction de la chasse le dimanche. Et, tout de suite après, l’interdire en totalité : ni chasse à courre ni chasse tout court !
Propos recueillis par Luce Lapin
Photos ASPAS