Les aficionados prácticos s’ennuient le dimanche / par Jean-Pierre Garrigues
Ce texte a été écrit en 2011, mais il est toujours et encore d’actualité, et même encore plus aujourd’hui, où une poignée de taurins souhaitent rétablir la corrida, d’aucuns à Fréjus (Var), d’autres à Toulouse (Haute-Garonne), où des aficionados prácticos sont justement invités à se produire fin septembre. Quels sont-ils exactement ? Place à l’indicible…
Association loi de 1901 créée en 1989, Les aficionados prácticos ont pour objectif de « partager une passion commune ». Le maître mot des membres actifs de l’association (une centaine de personnes officiellement) : se faire plaisir. En faisant quoi ? En torturant des veaux et des vachettes le dimanche après-midi à Franquevaux, dans les environs de Nîmes. Les appellations sont nombreuses et les différentes pratiques subtiles : capeas, tientas, fiestas camperas, becerradas, acosos y derribo, encuentros, initiation de salon… espagnolades à tous les étages…
Regarder des tortionnaires professionnels massacrer des taureaux à l’arme blanche, c’est passionnant, mais jouer les apprentis barbares, c’est encore plus excitant ! Et puisque nous sommes dans une zone gangrenée par l’horreur tauromachique, où la loi permet tout de Bordeaux à Fréjus (non, c’est fini à Fréjus !) et des Cévennes jusqu’à la mer (jurisprudence de la Cour de cassation en 2006), ne nous privons pas, allons jusqu’au bout de l’indicible.
Et cet indicible, un militant souhaitant rester anonyme est allé le filmer en caméra cachée, à Franquevaux, à la fin des années 90. Nous avons une copie de ce film de corrida clandestine, avec un public supposé averti, les amis, les familles : une fiesta campera, petite fête champêtre sanguinolente où la souffrance est à l’honneur. Pour Martine Danaux, psychiatre et membre du CRAC Europe, « l’arène est le lieu du sadisme autorisé ». Et quand c’est autorisé, c’est bien connu, on peut s’en donner à cœur joie.
Pour quelques centaines d’euros, le petit sadique du dimanche, ou l’aficionado práctico, c’est synonyme, peut « se faire plaisir » : on enfonce des banderilles, on empale maladroitement des veaux hurlant de douleur qui cherchent à fuir. On met à mort à n’en plus finir, on rit beaucoup ! Des enfants dans le public choisi interrogent leurs parents irresponsables pour les uns et pervers pour les autres : « Pourquoi il crie, le taureau, il a mal ? » Certains pleurent et veulent partir. Des mères sont mal à l’aise, quand même ! D’autres s’en moquent. Il faut bien qu’il s’endurcisse, ce petit ! Et ce n’est pas fini, une fois l’animal supplicié mort, quand l’agonie est terminée, on découpe la viande. Au mépris de toutes les règles d’hygiène, sur une dalle de béton, on éventre, on éviscère, on s’amuse entre amis. On se fait plaisir, quoi ! Le sang coule en flaques visqueuses et noirâtres de l’animal suspendu, la viande découpée tombe en paquets. Voilà le stade ultime de l’aficionado práctico. Voilà à quoi on aboutit quand la loi permet l’ignominie.
Je n’ai vu cette cassette qu’une fois, il y a une dizaine d’années, et je me souviens des moindres détails de ces scènes de cauchemar. Pour supprimer définitivement tout cela, une seule solution, la disparition de l’alinéa 7 de l’article 521-1 du Code pénal. Contactez vos députés et demandez-leur de signer les propositions de loi existantes. Finissons-en avec les barbares, au plus vite !
Jean-Pierre Garrigues
Décédé en novembre 2017
Hommage ici
Ex-président du CRAC et du CRAC Europe pour la protection de l’enfance
Première publication : 13 septembre 2015. Mise à jour : 2 mars 2021
Luce Lapin