La bouffe, c’est du sacré
Si 3 millions de mammifères et d’oiseaux sont tués chaque jour dans nos abattoirs, il est très difficile de faire la part de ceux qui sont consommés dans le recueillement, au nom de la religion.
En effet, croyants et athées se rejoignent dans une hypocrite communion gustative. Si, pour les chrétiens, la tradition de l’agneau pascal paraît demeurer forte, elle n’est probablement qu’un prétexte à la bonne conscience. Ils ne ressentent pas non plus le besoin d’accompagner d’une prière la « dégustation » du fameux gigot-fayots, plat du dimanche devenu national, toutes religions confondues. Exit le «Jour du Seigneur», mais consommation maximale.
Huîtres, foie gras, escargots, dinde aux marrons, saumon, boudin, les fêtes de Noël, devenues commerciales depuis déjà bien longtemps, sont aussi prétexte à « s’en mettre plein la lampe », chaque année un peu plus, les jeunes suivant l’exemple des plus grands. Et si beaucoup se rendent à l’église pour assister à la messe de minuit, allez, c’est pour prier le bon Dieu de les aider à digérer…
Quant aux animaux qui sont abattus sans étourdissement, selon l’abattage rituel imposé par les religion juive, casher, et musulmane, halal, leur nombre est-il en augmentation ? En 2014, selon le directeur général de l’alimentation, « 15 % des bovins et 27 % des ovins [étaient] concernés par l’abattage rituel ». Et depuis, en 2021, par exemple ? Mystère. Le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation ne dispose plus d’aucune donnée statistique, du fait, prétend-il, d’une modification du système informatique… « À la question : combien y a-t-il d’animaux abattus sans étourdissement chaque année en France, le Gouvernement est donc incapable de répondre ! À l’OABA, on sait en revanche qu’en 2021, 62 % des abattoirs abattent des animaux sans étourdissement ! »
Pour un ministère de l’Informatique !
L’OABA a quand même une petite idée de l’augmentation des pourcentages, car, « dans certains abattoirs visités récemment par nos auditeurs, la proportion de rituel atteint 80 % pour les ovins et 60 % pour les bovins… ».
À noter que la consommation issue de l’abattage rituel concerne tout le monde, croyants et non-croyants, car, à défaut d’étiquetage, les morceaux non consommés par les pratiquants se retrouvent dans le circuit de distribution classique – cantines, restaurants… – sans que les consommateurs en soient avertis. Si la plupart souhaiteraient être mis au courant, d’autres y sont indifférents.
Toutefois, de l’espoir pour 2022, la collecte d’informations permettant l’établissement de nouvelles statistiques pourrait reprendre. On est rassurés : il y a bien, en France, un ministère de l’Agriculture. Et pour l’informatique ?
Luce Lapin