Verdict tranchant
En la cité dacquoise affublée d’arrogance tauromachique, le verdict est tombé avec la promesse d’une belle récolte dans le panier des taurins amateurs de torture.
Le monde continue de tourner à l’envers en territoire barbare avec la condamnation extraordinaire des militants anticorrida : Jean-Pierre Garrigues, président du CRAC Europe, Jean-Marc Montegnies, président d’Animaux en péril, Christophe Marie, directeur du bureau de protection animale et porte-parole de la Fondation Brigitte Bardot, les militants Xavier Renou, Sabine Landais et Alexandre Audy.
La justice réclame un lourd tribut aux défenseurs de la cause animale et de celle des enfants exposés aux spectacles de la corrida ou bien invités à en faire l’apprentissage par le biais des écoles taurines. Pour les quatre premières personnes citées : 3 000 euros sont demandés pour organisation d’une manifestation interdite et entrave à la liberté de travail des novilleros à Rion-des-Landes le 24 août 2013. À cela s’ajoutent 2 500 euros de dommages et intérêts à la commune et 2 500 euros au cercle taurin rionnais, et 1 500 euros supplémentaires à chacune des deux parties civiles pour les frais de défense. Sabine Landais, accusée d’organisation d’une manifestation sans déclaration par Internet, devra verser également 3 000 euros, et Alexandre Audy 1 500 euros pour entrave à la circulation des véhicules. La commune de Rion recevra encore 1 500 euros de dommages et intérêts et 1 000 euros pour frais de défense.
Une accumulation qui devrait constituer un joli bénéfice pour une commune organisatrice de festivités sanguinaires traditionnelles à vivre en famille. De quoi se frotter les mains et boire un bon coup au sein du club taurin en attendant les prochaines novilladas. Maître Guillaume, l’ardent défenseur des amateurs de corridas, explique : « On doit pouvoir organiser des spectacles taurins sans avoir à barricader des villages, ce qui n’est ni l’esprit de la loi, ni celui des fêtes. » Esprit perverti de la loi. Ailleurs, en d’autres terres, la pratique de la torture sur un animal serait condamnée, mais ici, au contraire, la tradition donne le droit de s’en réjouir et d’en transmettre le goût aux enfants. La vieille terre de culture taurine, loin de se renouveler, se cramponne à ses jeux du cirque.
Enfin, le journal Sud-Ouest nous apprend que la condamnation est justifiée par le fait que les novilleros ont été empêchés par les anticorrida de faire leur travail de tourmenteur et de tueur, certes, mais « travail » tout de même. À leur âge, 17 et 14 ans pour deux d’entre eux (Andy Younes et André Lagravère), ils ont dû bénéficier d’un contrat de travail, de quel type et pour quelle rémunération ? Combien pour une oreille, combien pour le crime (curiosité sans aucun doute malsaine de ma part) ?
Les sévices graves sur animaux sont punis par la loi partout en France, excepté dans les onze départements où ils sont organisés en spectacles et considérés comme une tradition indéracinable. Dans ces lieux de folklore barbare, les protestataires animés par « l’éthique du vrai » et le sens du « digne et de l’indigne » se retrouvent lourdement condamnés, tandis que les responsables d’actes violents sur militants anticorrida n’ont pas encore été jugés.
Au côté des défenseurs des animaux, le collectif PROTEC (protégeons les enfants des corridas), initié par des psychiatres et psychologues, propose une motion pour que les moins de 16 ans n’aient plus accès aux corridas espagnoles et portugaises, le professeur Hubert Montagner mène une pétition dans le même sens, et enfin l’ONU exprime son opposition à la présence et à la participation d’enfants lors de corridas, estimant qu’ « une telle pratique est contraire à la Déclaration des droits de l’enfant ». Un appel sur ce point a été adressé au Portugal et le sera bientôt à la France.
Des militants en nombre incertain continuent et continueront d’être présents tout au long des saisons tauromachiques, jusqu’à l’abolition. Les protestations prennent des formes diverses et se renforcent les unes les autres, obligeant le déploiement des forces de l’ordre et gâchant la fête, de quoi rendre les aficionados de corrida nerveux et inquiets pour la transmission de leur tradition.
Afin de prévenir une évolution contraire aux vœux des amateurs et acteurs de la corrida, l’UVTF, Union des villes taurines françaises, en partenariat avec l’ONCT, Observatoire national des cultures taurines, s’attachera à valoriser le spectacle de la torture et de la mise à mort du taureau « de combat », visant principalement les jeunes. Ainsi, l’Observatoire envisage la création d’une école de l’aficion, « destinée à assurer la transmission de la culture taurine auprès des jeunes générations, par l’instauration… d’un passeport universel favorisant l’accès des mineurs à toutes les arènes de France ».
Il n’est point utile, je crois, de citer le nom du principal acteur de ce projet de cape et de sang, destiné à rassurer le monde de la tauromachie et à calmer les ardeurs des deux sexes en mal de sensations.
Isabelle Nail
Auteure de Ni art, ni culture
Photo : Jérôme Lescure, Minotaure Films