Du « sens » de la fête (1 et 2)

Du « sens » de la fête (1 et 2)

Foies gavés, foies malades
« Un foie gras, c’est un caneton femelle broyé et un canard gavé. » L’association L214 sait de quoi elle parle. Sa dernière enquête révèle une fois de plus des images terribles tournées récemment dans trois salles de gavage du Périgord noir (vidéo sur stopgavage.com). Même dans les élevages qui ne sont pas à échelle industrielle, le gavage, qui produit un foie malade, atteint de stéatose hépatique, est cause de grande souffrance.

Et pourtant…  Selon l’article 14 de la directive européenne 98/58/CE du 20 juillet 1998 concernant la protection des animaux dans les élevages : « Les animaux reçoivent une alimentation saine, adaptée à leur âge et à leur espèce, et qui leur est fournie en quantité suffisante pour les maintenir en bonne santé  et pour satisfaire leurs besoins nutritionnels. Aucun animal n’est alimenté ou  abreuvé de telle sorte qu’il en résulte des souffrances ou des dommages inutiles et sa nourriture ou sa ration de liquide ne doit contenir aucune substance susceptible de lui causer des souffrances ou de dommages inutiles. » Par ailleurs, il faudra qu’on m’explique ce qui peut justifier des souffrances « utiles »…

Sont tués chaque année en France

Les fêtes sont bien meilleures sans cadavres dans les assiettes, ni d’animaux vivants non plus d’ailleurs — comme les huîtres. Les végétariens et végétaliens trouvent à Paris, et aussi en province, de plus en plus de restos où très bien manger, y compris pour les réveillons. Les bonnes adresses de ceux qui refusent l’abattage d’êtres sensibles pour leur seul bon plaisir gustatif sont répertoriées sur restovege.fr Et quelques recettes, parmi beaucoup d’autres, pour rester tranquillement à la maison, sur tambouilleetdelices.fr Alors… joyeuses fêtes !

Merci, monsieur Voltaire !

Voltaire

La Poularde
[…] Une maudite servante m’a prise sur ses genoux, m’a plongé une longue aiguille dans le cul, a saisi ma matrice, l’a roulée autour de l’aiguille, l’a arrachée et l’a donnée à manger à son chat. […]

Le Chapon
Hélas ! Ma bonne, j’ai perdu plus que vous ; ils m’ont fait une opération doublement cruelle : ni vous ni moi n’aurons plus de consolation dans ce monde ; ils vous ont fait poularde, et moi chapon. La seule idée qui adoucit mon état déplorable, c’est que j’entendis ces jours passés, près de mon poulailler, raisonner deux abbés italiens à qui on avait fait le même outrage afin qu’ils pussent chanter devant le pape avec une voix plus claire. […]

Paru en 1765, ce Dialogue du chapon et de la poularde (aux éditions Manucius, collection LittérA, octobre 2014, 58 pages, 5 euros), que l’on doit à Voltaire, aurait été écrit en 1763, qui est aussi l’année du Traité sur la tolérance. L’échange entre les deux volatiles est court, à l’image de leur vie de souffrance, sacrifiée aux « abominables coquins », comme les qualifie La Poularde, que peuvent être les humains : « Nous manger ! Ah, les monstres ! » Un beau cadeau, pour lire… et réfléchir.

Parlement européen : stop foie gras au resto !
PETA France a adressé une requête au Parlement européen : « À la suite d’une enquête détaillée sur la production de foie gras, le Dr J. Alexander, du comité scientifique de l’Union européenne, a conclu que “la seule recommandation appropriée que le Comité puisse donner est que le gavage des canards et des oies doit cesser et que le meilleur moyen pour cela est d’interdire la production, l’importation, la distribution et la vente de foie gras”. Étant donné que le fait d’enfoncer des tubes métalliques profondément dans la gorge des oiseaux pour les gaver d’énormes quantités de grains afin de rendre leur foie gonflé et malade est illégal dans la plupart des pays de l’UE, il est scandaleux que cet ignoble produit soit servi au Parlement européen ; par conséquent, nous demandons aux députés de refuser de dîner dans le restaurant du PE jusqu’à ce que le foie gras y soit retiré du menu. »

Le saviez-vous ?
Les escargots, de Bourgogne et d’ailleurs, sont ébouillantés après dix jours de jeûne et vingt minutes d’agonie dans le sel.

Matraquage
Haie de déshonneur pour le service public… France Inter et France 2, entre autres, s’en donnent à cœur joie pour vanter un « produit », le foie gras, résultant d’une grande souffrance, celle infligée par le gavage à quelque 40 millions de canards et 700 000 oies — êtres sensibles par essence, cette précision étant destinée à ceux capables de ressentir une empathie et une compassion telles qu’ils sauront s’en passer. Les « authentiques chapons fermiers », castrés sans anesthésie, condamnés pour l’éternité à accompagner la météo sur France Inter, ne sont pas oubliés avant d’être eux aussi sacrifiés aux dieux des Goinfres.

Bonnes nouvelles (ça arrive)
Dissection. Depuis le 28 novembre, ainsi que l’a annoncé le ministère de l’Éducation nationale dans un courrier aux recteurs d’académie, plus besoin de congeler des souris pour les « étudier » : leur dissection, ainsi que celle des grenouilles, des poussins, des vertébrés en général, n’est plus autorisée dans les collèges et lycées, donc jusqu’au bac. On s’en réjouit, évidemment, et on espère qu’il en sera vite de même dans les universités, comme le déclare André Ménache, directeur d’Antidote Europe : « En tant que militant actif dans plusieurs pays, je considère cette annonce ministérielle comme un grand pas en avant, en France, même s’il reste encore beaucoup à faire. »

Picasso. La passion pour les spectacles barbares, ce n’est pas dans les gènes, mais on le savait déjà ! Marina Ruiz-Picasso, la petite-fille du peintre aficionado, reste traumatisée par les corridas qu’elle a été forcée à aller voir enfant  — elle le raconte dans son livre, Grand-père (Denoël, 2003). Elle a rejoint le comité d’honneur de la FLAC, Fédération des luttes pour l’abolition des corridas. Bravo, madame !
Luce Lapin