Patrick Sacco : « Greystoke a montré les dessous de l’expérimentation animale »
Entretien réalisé en 2015 avec le président de l’association Respectons, qui a mené l’« Opération Greystoke » il y a plus de vingt ans. Ces animalistes avaient enlevé 17 babouins du CNRS de Gif-sur-Yvette (91) afin de dénoncer la cruauté et l’inutilité de l’expérimentation animale.
Trente ans après, une avancée ?
Entre 1985 et 2015, bien que le Code civil ait entériné, en tant qu’être sensible, le statut de l’animal déjà existant dans le Code rural et le Code pénal, et bien que l’opinion publique soit de plus en plus informée sur l’expérimentation animale et qu’elle la dénonce dans sa grande majorité, le législateur n’a en rien changé le statut de l’animal : il reste un objet d’expérimentation. Par exemple, des élevages qui comprennent des milliers de chiens — et plus particulièrement des beagles, considérés par les expérimentateurs comme plus « résistants » —, destinés à fournir des labos existent toujours, comme le CEDS, Centre d’élevage du domaine des Souches, à Mézilles, dans l’Yonne.
Pas de changement « dans le bon sens » ?
Les centres de recherche ressemblent de plus en plus à des bunkers et les chercheurs sont de plus en plus sur la défensive. Ils n’ont plus l’assurance du passé et craignent des interventions de militants contre l’expérimentation. Les interventions de libération d’animaux sont par ailleurs rendues difficiles, car les centres de recherche sont équipés de systèmes de sécurité très sophistiqués. Les libérateurs d’animaux sont qualifiés d’« écoterroristes ». De plus, les risques d’être retrouvés pour les auteurs des actions sont bien réels du fait des nouvelles technologies d’investigation : tests ADN, écoutes… L’Opération Greystoke a contribué à montrer les dessous de l’expérimentation animale et finalement obligé les chercheurs à changer leurs méthodes de travail. Quand prendrons-nous enfin conscience que « l’animal n’est pas le modèle biologique de l’homme » ?
L’« Opération Greystoke»
Sur les murs de l’animalerie, la célèbre maxime de Rabelais : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. »
Dans la nuit du 31 mars au 1er avril 1985, le « commando Greystoke » — comme il fut à l’époque surnommé par les médias dans l’intention de le rendre impopulaire —, groupe d’« écoterroristes » avant l’heure, mené par Patrick Sacco, enleva 17 babouins du CNRS de Gif-sur-Yvette (91) afin de dénoncer la cruauté et l’inutilité de l’expérimentation animale. « Sur la tête des singes, une calotte en résine vissée sur les os crâniens, laissant le crâne à vif, bourrée d’électrodes plongeant dans diverses zones du cerveau, servait aux chercheurs d’“objet” d’étude à l’épilepsie photosensible », raconte Sacco, aujourd’hui président de l’association Respectons (respectons.org). Les babouins furent conduits au refuge de l’Arche (dans la Mayenne), et délivrés de leur appareillage mutilant. Un an plus tard, sept des membres de Greystoke sont arrêtés, sur dénonciation anonyme. Mais, devant la pression médiatique, le CNRS (Centre national de la recherche scientifique) renonce à récupérer son « matériel d’expérimentation ». Les babouins — du moins ceux-là… — sont sauvés. Patrick Sacco et quelques-uns de ses camarades sont condamnés à payer à vie une forte amende.
Pendant plusieurs années, de grosses sommes sont donc prélevées sur le compte bancaire des « coupables ». Juillet 2007, rebondissement. À la suite de l’intervention du député de Côte-d’Or, le directeur général du CNRS accepte de ne pas faire procéder aux poursuites de recouvrement de la créance. Mais l’expérimentation animale est toujours obstinément et cruellement pratiquée, alors qu’il existe des méthodes non animales fiables et probantes, ne mettant pas en danger la vie des humains, puisque, comme le rappelle Antidote Europe, « l’animal n’est pas le modèle biologique de l’homme ». Quel espoir néanmoins en Europe pour les quelque 12 millions d’animaux, dont près de 2 millions en France, livrés aux mains des expérimentateurs dans le silence des labos ?
Luce Lapin
Vidéo de Greystoke : youtube.com/watch?v=5scgUF_ftJY
Et aujourd’hui, Respectons a… 20 ans !