Chasse (bien) gardée, par Marc Giraud
Marc Giraud est naturaliste de terrain, journaliste, écrivain et porte-parole de l’Aspas.
L’Office français de l’enfumage et de la chasse : les chasseurs touchent le gros lot, la nature touche le fond.
L’ONCFS (Office national de la chasse et de la faune sauvage) vient de fusionner avec la toute jeune AFB (Agence française de la biodiversité) pour fonder l’OFB, l’Office français de la biodiversité et de la chasse. Fin du monopole du lobby des armes ? Hélas. C’est compter sans sa puissance, qui a infligé aux protecteurs un bond de cinquante ans en arrière.
Les 11 et 13 avril derniers, les sénateurs ont offert un lot de cadeaux indécents au lobby chasse. Pour fêter la création de l’Office, la Fédération nationale des chasseurs va recevoir 10 euros d’argent public pour chaque permis de chasser, soit quelque 10 millions d’euros pour des actions « en faveur de la biodiversité » ! On imagine leur zèle sur le terrain : grâce à une nouvelle idée sortie du chapeau, la « gestion adaptative », toutes les espèces en bon état seront désormais chassables. Les tontons flingueurs pourront aussi gérer des Réserves naturelles, jusqu’ici sous la responsabilité de l’État. Quant aux chasses « traditionnelles », tenez-vous bien : elles vont entrer dans le « patrimoine cynégétique national » ! Avec au moins 10 % de chasseurs au conseil d’administration, ainsi que les représentants des lobbies agricoles et forestiers, la noble tâche de l’OFB(C), celle qui écrasera toute mission d’intérêt public, sera d’assurer une chasse et une pêche « durables ».
Et que vont gagner les écologistes ? Des amendes beaucoup plus salées s’ils ne sont pas d’accord. Le délit d’entrave à la chasse instauré en 2010 atteignait 1 500 euros. Désormais, une nouvelle infraction, délictuelle cette fois-ci, peut infliger aux méchants écologistes qui oseraient juste gêner une chasse « par quelque moyen ou agissement que ce soit » une amende de… 30 000 euros et un an de prison ! La définition d’entrave à la chasse est assez floue pour que des pique-niqueurs ou un simple promeneur faisant du bruit puissent se faire punir. Vous avez dit lobby ?
À l’initiative de la LPO, 46 associations (ASPAS, Animal Cross, FNE…) demandent avec vigueur au gouvernement Macron qu’il revienne sur le texte tel qu’issu des travaux de l’Assemblée.