Animaux de ferme : le bilan de l’OABA

Animaux de ferme : le bilan de l’OABA

On ne compose pas avec la souffrance. Difficile dès lors de parler de « bien-être » pour des animaux dont la courte existence se passe à quelque 80 % dans des élevages concentrationnaires et dont la seule justification de leur pauvre vie est d’être abattus pour la consommation. Jean-Pierre Kieffer, président de l’OABA, Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs fondée en 1961 par Jacqueline Gilardoni, seule association habilitée à pénétrer dans les abattoirs, et Frédéric Freund, directeur, constatent cependant quelques améliorations importantes.

Celles que l’on nomme les « bêtes d’abattoirs » sont-elles vraiment mieux traitées aujourd’hui, et la souffrance réellement prise en compte ?

La protection des animaux de ferme est devenue un vrai sujet de société au cours de ces vingt dernières années. On râle souvent sur Bruxelles, les eurocrates et leurs rapports, mais, franchement, heureusement que les instances européennes se soucient des conditions dans lesquelles les animaux sont élevés, transportés et abattus. Car la France, comme d’autres pays, ne s’est guère montrée protectrice durant tout ce temps. Si nous avons des règles « minimales » protégeant les veaux (depuis 1994), les poules pondeuses (2002), les porcs (2003) et les poulets (2010), nous le devons aux directives européennes, transposées dans le droit français. Bien évidemment, il reste énormément à faire. Bien évidemment, les textes parus sous l’égide de Bruxelles sont insuffisants. Et encore trop d’animaux ne bénéficient pas d’un régime spécifique de protection avec des conditions minimales de « bien-être » : vaches laitières, chèvres, moutons, canards et oies destinées au gavage…

Quelles améliorations l’Europe a-t-elle apporté, et quel rôle jouent les associations de protection animale ?

Les règles d’abattage des animaux n’ont pas manqué d’évoluer au cours de ces vingt dernières années. La directive européenne est venue, en 1993, rappeler que, dans les abattoirs, « toutes les précautions doivent être prises en vue d’épargner aux animaux toute excitation, douleur ou souffrance évitables »… Une directive qui sera remplacée, dès janvier prochain, par un règlement européen qui met l’accent sur la formation des opérateurs. Beaucoup de mauvaises pratiques en abattoirs s’expliquent en effet par une méconnaissance totale de règles techniques ou zootechniques. Ce règlement précise que l’administration, les professionnels et les organisations de protection animale doivent collaborer pour la mise en œuvre de guides de « bonnes pratiques »en matière de protection animale.

Nul doute que dans le futur des textes existeront, sous l’impulsion de l’Europe, grâce à ses directives et règlements, mais surtout grâce aux associations de protection animale, qui, au cours de ces vingt dernières années, se sont professionnalisées. Des associations qui rédigent des rapports, effectuent des enquêtes et qui proposent désormais des changements normatifs. Des associations qui communiquent et informent les citoyens consommateurs sur la dure réalité de l’agro-production. Résultat : tous les sondages démontrent que, désormais, les consommateurs se soucient du bien-être animal. Les mentalités évoluent et le régime juridique de l’animal suit le mouvement.

Quelle est l’origine des fermes du bonheur ?

En 1995, l’OABA créait son premier troupeau du bonheur, destiné à recevoir des animaux de ferme sauvés de l’abattoir et destinés à finir tranquillement leur vie au pré. Un troupeau qui n’a cessé de croître avec la loi du 6 janvier 1999 qui permet aux services vétérinaires de retirer en urgence des animaux laissés à l’abandon. Désormais, attendre la mort d’un animal à l’agonie ou pratiquer son euthanasie ne sont plus les seules « solutions » juridiques. Les agents de l’État peuvent confier les animaux en souffrance à des associations de protection animale. Des associations de plus en plus sollicitées ces dernières années en raison des difficultés rencontrées par certains éleveurs, qui, au fil du temps, deviennent de véritables maltraitants. Le malaise dans nos campagnes s’amplifie et certaines fermes se transforment en mouroirs. Nous entendons peu les organismes professionnels sur ce sujet, préférant intervenir pour dénoncer les nouvelles « contraintes » réglementaires en matière de protection animale ou environnementale…

Quels sont aujourd’hui les objectifs et les priorités ?

Le transport des millions d’animaux (voire de milliards d’animaux, puisque notre pays est un lieu de transit international) destinés à l’engraissement et à l’abattage s’est quant à lui considérablement amélioré. Sur ce point, nous pouvons saluer l’engagement des professionnels français du transport et les règles nationales assurant une meilleure formation des chauffeurs qui existaient avant l’entrée en vigueur, en 2007, du règlement européen sur la protection des animaux lors de leur transport. Ce règlement est toutefois mal respecté, car les contrôles et les sanctions sont insuffisants. Ce faisant, les organisations européennes de protection animale espèrent bien arriver prochainement à une limitation européenne de la durée de transport des animaux. Les professionnels de l’abattage pourraient d’ailleurs supporter cette idée, afin d’éviter que des animaux nés et élevés en France ne parcourent des milliers de kilomètres pour aller se faire abattre dans un autre pays…

On peut compter sur les ONG et sur l’OABA pour vérifier que les textes seront bien appliqués et respectés. Les consommateurs y seront également attentifs. Le récent débat (qui a vocation à se prolonger) sur l’abattage rituel l’a bien montré. L’idée d’un étiquetage du mode d’élevage et d’abattage se fait de plus en plus présente et pressante. Le Parlement européen s’y est montré très majoritairement favorable lors d’un vote, le 4 juillet dernier.

www.oaba.fr

Propos recueillis par Luce Lapin

23 juillet 2012