Oiseaux : le bilan de la LPO

Oiseaux : le bilan de la LPO

Quelles avancées pour les oiseaux durant ces deux dernières décennies, et quels nouveaux combats à venir ? Entretien avec Allain Bougrain Dubourg, président de la Ligue pour la protection des oiseaux, qui, elle, a fêté ses « 100 ans d’actions pour la nature » en 2012.

Quels changements d’importance apparaissent au courageux défenseur des tourterelles ?
En revisitant l’histoire, je constate que l’un des points fondamentaux de l’évolution de notre engagement reste le changement radical de stratégie. Autrefois, nous pensions (souvent à juste titre !) que la meilleure façon de protéger la faune fragilisée consistait à la tenir secrète. En clair, seuls quelques initiés avaient le droit de connaître le territoire des espèces menacées. C’était le temps de « la nature sous cloche ». Aujourd’hui, hormis certains rares sites qui ne supporteraient pas le moindre dérangement, nous souhaitons partager le patrimoine naturel avec le plus grand nombre. Nous avons en effet la conviction que si les citoyens « s’approprient » la nature avec respect, il sera d’autant plus difficile aux destructeurs en tout genre d’agir en toute tranquillité.

Quels constats pour la LPO ?
Outre cette évolution de pensée, la LPO s’est développée de manière inespérée. J’ai le souvenir d’une quinzaine de salariés et 3 000 membres, nous sommes aujourd’hui 500 salariés (avec les délégations) et plus de 45 000 membres. Par ailleurs, l’oiseau, qui était « notre cœur de métier », s’est peu à peu métamorphosé en « ambassadeur ». En effet, c’est désormais toute la biodiversité que nous tentons de valoriser et de sauver. De nombreuses opérations portant sur les chauves-souris, les crapauds, les visons d’Europe, ou encore les castors d’Europe, en témoignent. Cette progression ne s’est évidemment pas faite dans la sérénité. Il a bien souvent fallu se battre sans espoir de succès… À ce propos, en réalisant le film Un siècle pour les oiseaux, qui retrace l’épopée LPO, j’ai visionné des centaines d’heures d’images archivées avec le concours de l’INA (Institut national de l’audiovisuel). Au fil des images, une évidence s’est imposée : tout au long de son histoire, la LPO fut animée par trois constantes. La consternation, lorsque la faune était agressée. La détermination, car il convenait d’agir. Et la satisfaction, car, par bonheur, la victoire était bien souvent au rendez-vous. C’est ainsi qu’il nous faudra près de vingt ans pour qu’enfin l’état de droit s’impose dans le Médoc, haut lieu de braconnage des tourterelles. De même, plus de dix ans seront nécessaires avant que le « préjudice écologique » soit reconnu dans l’affaire de l’Erika — préjudice… à nouveau remis en cause !
Reste que si cet anniversaire permet d’égrainer légitimement les meilleurs souvenirs, il doit, pour la circonstance, nous inviter à tracer l’avenir.

Quels objectifs pour… les 100 prochaines années ?
Sur un plan pratique, le braconnage odieux des ortolans et des pinsons dans les Landes (plusieurs dizaines de milliers de passereaux) figurera dans les priorités. Mais la LPO devra aussi se confronter à des combats qui ne sont plus forcément « à taille humaine »… Je pense notamment au dérèglement climatique, qui bouleversera l’ensemble du vivant. Et que dire des pesticides frappant l’homme comme la biodiversité ? Des zones humides qui se réduisent comme peau de chagrin ? Ou encore de ces espèces qui ne comptent plus que quelques dizaines de représentants ? De ces espaces naturels et agricoles étouffés par le béton et l’asphalte au rythme de 70 000 hectares par an, soit un département français tous les sept ans ?…
Pour s’atteler à ces gigantesques défis, il faut seulement de la conviction et une dose d’utopie. Cela me rappelle Jean Morel, le héros des Racines du ciel. Romain Gary l’avait surnommé l’homme qui ne désespérait jamais. J’ai la conviction que nous avons tous quelque chose de Jean Morel en nous.
Propos recueillis par Luce Lapin

 

Propos recueillis par Luce Lapin