Pitié pour les chevaux ! Par Isabelle Nail

Pitié pour les chevaux !    Par Isabelle Nail

                                                                                                         Isabelle Nail

Pitié pour les taureaux, pitié pour les veaux et pitié pour les chevaux qui ont le malheur de poser sabot sur le sable de l’arène ! 

L’incompréhensible jugement a encore frappé le président du CRAC Europe pour la protection de l’enfance, Jean-Pierre Garrigues, coupable d’avoir dit que la rejoneadora Léa Vicens, cavalière extra douée, faisait éventrer ses chevaux.

Muse, disciple ou élève réputée de l’ange Peralta, matador aux 6 000 taureaux tués, aux 442 oreilles et aux 134 queues, formée à la corrida de rejón, elle mène carrière dans un genre de spectacle très particulier qui oppose la femme à cheval armée d’armes tranchantes au « taureau de combat espagnol » élevé tout exprès pour se faire massacrer en espace clos. Dressé pour cette exhibition, le cheval devient obligatoirement le partenaire de sa cavalière dans cette lutte à mort. Il risque sa vie, passée au fil des cornes de l’adversaire de sa maîtresse, devenu le sien par la force des choses. Sans doute, la jeune femme durement entraînée à un art dangereux, « parce qu’elle ne savait pas que c’était impossible », ne fait-elle pas éventrer les chevaux dont elle déplore la perte comme autant d’accidents survenus dans un exercice à risque, mais elle demeure responsable de les avoir menés là où existe le danger de se faire salement encorner, éventrer, massacrer, comme pour mieux accompagner le taureau supplicié. Ils vont sentir venir la mort dans la souffrance, comme des êtres doués de sensibilité et reconnus comme tels depuis trop peu de temps par la loi des hommes (28 janvier 2015).                                                                             

Aiguillonnés de ressentis bizarres, troubles, qu’on n’a pas le droit de nommer sadiques sous peine de se faire intenter un procès, les aficionados(as), subjugués de tant d’émotion, resteront peut-être cois quelques secondes ou minutes avant d’être à nouveau leurrés et emportés dans le délire hystérique au son des bandas. Les animaux morts pour la gloire de l’héroïne, gracieuse en sa tenue souillée de sang et de sable, levant haut les bras de la victoire, disparaîtront rapidement pour ne pas faire tache dans le décor.

La corrida dans son ensemble, ni art ni culture, mais coutume barbare, massacreuse d’animaux pour le seul plaisir d’hommes et de femmes qui osent y entraîner des enfants, se joue des lois et de la conscience morale, du sentiment de ce qui est juste, digne, noble, éthique. Elle se fourvoie dans la fange en se réclamant de l’art et en se dissimulant sous les oripeaux de la tradition. Alors, quels sont les faits les plus graves, ceux qui portent atteintes à la sensibilité et à la vie des bêtes en un spectacle sanglant visible par les enfants et que les communes organisatrices encouragent par la gratuité, ou la phrase de Garrigues ?

Il vient d’être condamné par la chambre des appels correctionnels de Nîmes qui a même aggravé sa peine en la portant à 1 000 euros d’amende ferme et 2 500 euros de dommages et intérêts. Un nouveau verdict bien tranchant qui semble ignorer que l’animal est enfin reconnu comme un être doué de sensibilité.

Maître Phung, l’avocat du CRAC Europe, prépare le pourvoi en cassation. Espérons que d’ici là tous les tribunaux qui jugent les terroristes anticorrida auront admis que le cheval et le taureau sont des animaux.

Isabelle Nail
Auteure de Ni art ni culture