De la « coutume barbare » Par Isabelle Nail
En ces temps de procès des anticorrida, mais aussi de celui d’André Viard, président de l’ONCT, Observatoire national des cultures taurines, de pétitions et de propositions de loi, une jolie perle tirée des Archives landaises m’a été remise par une amie écolo. Mais, avant de dévoiler le contenu savoureux de la lettre ancienne, reprenons le fil de l’actualité.
Le 7 avril dernier, Jean-Pierre Garrigues comparaissait seul au tribunal de Tarbes au procès de la manifestation anticorrida du samedi 23 août 2014 à Maubourguet. Bizarrement, il était poursuivi à titre personnel et non en tant que président du CRAC Europe pour la protection de l’enfance.
De son côté, l’Alliance Anticorrida a poursuivi pour diffamation le sieur André Viard, matador non repenti, peintre à ses heures, fondateur de la revue Terres taurines qui lui a permis de comparer les pratiques des anticorrida à celles des nazis, en décembre 2013. Le jugement sera mis en délibéré le 2 juin à Paris.
La députée EELV Laurence Abeille et son groupe ont déposé mercredi 1er avril 2015 une proposition de loi visant à interdire l’accès des jeunes aux spectacles de corrida. Selon un sondage IFOP/Alliance Anticorrida de février 2015, 73 % des Français sont opposés à la corrida et 83 % pour l’interdiction de l’accès des jeunes de moins de 14 ans.
Enfin, lundi 4 mai prochain, le tribunal de Dax verra comparaître 21 manifestants anticorrida (soutenus par le CRAC Europe) contestant les verbalisations dont ils ont fait l’objet le 14 septembre 2014 lors du Festival Toros y Salsa1.
Les cartels de la saison viennent d’être présentés en grande pompe au casino de Dax, afin que perdure au prix fort la corrida. C’est le moment choisi par le hasard pour me donner connaissance d’une lettre du ministre de la police générale de la République, Joseph Fouché, au préfet du département des Landes, datée du 23 vendémiaire, an X (15 octobre 1801). Ce courrier est extrait du Journal des Landes, n° 70, du 6 brumaire an X (28 octobre 1801). Je rappelle que la corrida est apparue en France le 17 janvier 1701 à Bayonne, où elle fut organisée en l’honneur du passage de Philippe V d’Espagne.
Voici ce qu’écrit Fouché :
« J’apprends, citoyen préfet, qu’une coutume barbare et indigne d’une nation civilisée, trouve encore des partisans, dans quelques communes des départements méridionaux : je veux parler des jeux et courses de taureaux ou de combats d’autres animaux, qui avaient lieu à certaines époques et principalement lors de la tenue des foires. Je vois, par ma correspondance, que les mesures prises jusqu’à ce jour, par les autorités locales, n’ont pas eu tout le succès qu’on devait en attendre, et que leurs ordres, à cet égard, ont éprouvé si non une résistance ouverte, au moins des obstacles, dont les suites pouvaient compromettre l’ordre et la tranquillité publiques. C’est sur-tout, en pareil cas, lorsqu’il s’agit de guérir le peuple d’une habitude qu’un long usage semble autoriser, qu’il convient de le désabuser, et de l’amener par degrés et par la force de l’instruction, à renoncer, de lui-même, à une institution odieuse. C’est pour obtenir ce résultat, que je crois devoir vous inviter, citoyen préfet, à me transmettre des renseignements exacts, sur les spectacles et jeux de cette nature, qui étaient en usage dans votre arrondissement, et à me faire part, en même temps, de vos vues et des moyens que vous croirez les plus propres à seconder l’autorité, dans cette réforme utile et indispensable. » Signé : « Le ministre de la police générale, Fouché. »
Lettre de Fouché dans le Journal des Landes : corridas
J’ai peine à croire qu’il y a plus de deux cents ans la position du ministre de la police était exactement l’inverse de celle d’aujourd’hui, où les protestataires indignés par la « coutume barbare » de la corrida sont traités de terroristes, interdits de liberté d’expression, molestés par les aficionados (sans que ceux-ci aient encore été condamnés) et traînés de procès en procès.
Isabelle Nail
Auteure de Ni art ni culture
Ex-conseillère municipale de Dax exclue, avec deux de ses collègues écolos, Sylvie Laulom et Jean-Marie Vignes, de la majorité municipale pour avoir tous trois participé à la manif anticorrida du 8 septembre 2013 à Dax, « en dehors du périmètre autorisé ».
1. Je serai présente pour les soutenir au tribunal, rejoignez-moi !