Sauvez Minnie Mouse !
Avant 2014, la dissection se pratiquait dans les collèges et lycées sur des souris mortes.
Mortes, certes, sauf que ! Ces rongeurs ne l’étaient pas de leur belle mort, mais étaient privés de leur vie. Dans les facs de médecine, on découpe bien des humains en mille morceaux. Oui, mais on ne les tue pas pour ce faire, et ils en ont exprimé la volonté : « Je donne mon corps à la médecine » (encore faut-il qu’elle en veuille bien…). Or jamais, de mémoire de Minnie Mouse, une souris n’a donné son accord pour être tuée puis disséquée pour servir les SVT, sciences de la vie et de la Terre. Fin novembre 2014, une circulaire du ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a interdit les dissections d’animaux vertébrés. Bravo, et merci à madame la ministre Najat Vallaud-Belkacem.
Le SNES-FSU, Syndicat national des enseignements de second degré, qui s’est toujours opposé à cette interdiction, avait demandé le retrait de cette circulaire, prônant la « manipulation du vivant dans l’évident respect de la vie animale ». Étonnante association de mots… Le 6 avril dernier, à la grande satisfaction du SNES-FSU, pour qui le sens de l’expression « être sensible », donc qui a droit à la vie, semble échapper, le Conseil d’État a déclaré annuler l’interdiction de disséquer dans les établissements scolaires de secondaire. Pour le vétérinaire André Ménache, directeur scientifique d’Antidote Europe, c’est une hérésie :
« Élever des souris dans le seul but de les tuer pour les disséquer va à l’encontre de la directive européenne 2010/63/EU “relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques”, puisque cette directive promeut la réduction de l’utilisation animale et son remplacement par des méthodes alternatives (vidéo numérique, logiciels multimédia…). Sur le plan pédagogique, on ne peut également pas défendre les dissections. Les données suivantes ont été présentées lors d’un congrès international en 2007 à ce propos : une comparaison de résultats obtenus par des étudiants vétérinaires révèle un meilleur niveau d’apprentissage lié aux méthodes alternatives d’enseignement par rapport aux études utilisant des animaux. Sur onze publications citées entre 1989-2006, neuf ont évalué l’acquisition de compétences en chirurgie, dont 45,5% (5/11) ont démontré des résultats d’apprentissage supérieurs en utilisant des alternatives ; 45,5% (5/11) ont démontré des résultats d’apprentissage équivalents, et 9,1% (1/11) ont démontré un niveau d’apprentissage moindre.Vingt et une études concernant des étudiants non vétérinaires dans des disciplines proches ont également été publiées de 1968 à 2004, dont 38,1% (8/21) ont démontré un résultat supérieur ; 52,4% (11/21) ont démontré une équivalence, et 9,5% (2/21) ont démontré des résultats d’apprentissage inférieurs en utilisant des méthodes alternatives. Sur le plan éthique, il faudrait également se poser la question du coût-bénéfice étant donné le nombre infime d’étudiants qui poursuivront ensuite une carrière dans la recherche biomédicale versus le chiffre grandissant d’objecteurs de conscience parmi les étudiants qui refusent les dissections mais qui y sont obligés ou pénalisés. »
André, par quoi peut-on remplacer la dissection d’une souris ? « Il existe des prof SVT qui ont choisi d’annuler simplement les dissections, sans les remplacer forcement par autre chose (manque de budget). Il est possible d’acheter un modèle de souris basic en PVC, ou bien un logiciel qui permet aux étudiants de disséquer une souris virtuelle en 3D. Les dissections virtuelles permettent aux étudiants de voir de plus près et en plus de détails les organes ainsi que les tissus de la souris. Le logiciel permet également aux étudiants de faire marche arrière, au cas où ils auraient raté quelque chose d’important. »
C’est au ministère de l’Éducation nationale de prendre un arrêté qui confirmerait l’interdiction de dissection. Nous apportons évidemment le plus grand des soutiens et des encouragements à Mme Vallaud-Belkacem, dans l’espoir que les sœurs de chair de notre Minnie symbolique ne finissent pas « étudiées » sur une table scolaire…
Rebondissement. Bravo à Najat Vallaud-Belkacem ! Félicitations et reconnaissance à la ministre de l’Éducation nationale, qui a entériné, fin juillet 2016, l’interdiction des dissections sur vertébrés au collège et au lycée qu’elle avait prise fin 2014. D’une façon générale, il faut aller plus loin maintenant ! Et employer des méthodes substitutives non animales à l’expérimentation sur des êtres sensibles qui ressentent la douleur, la peur, l’angoisse, et qui, en outre, ne sont même pas notre modèle biologique. Donnez à des chercheurs qui ne font pas appel au modèle animal : Antidote Europe et Pro Anima.
Luce Lapin