Trouver le sexe, sauver des vies
Les poussins mâles ne pondant pas, ils sont « inutiles ». Considérés comme de vulgaires déchets, quelque 50 millions sont broyés ou gazés chaque année en France.
Le 18 juillet, Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, a annoncé dans Le Parisien la fin de cette cruauté pour le 1er janvier 2022 – dans les faits, progressivement jusqu’à fin 2022, puisque des dérogations seront accordées. Ces mesures ont également été prises par l’Allemagne. Pour l’économiste Romain Espinosa, chercheur au CNRS, auteur de Comment sauver les animaux ? Une économie de la condition animale (Presses universitaires de France, 2021), il s’agit donc initialement d’une initiative commune avec un “partenariat bilatéral” entre les deux pays », qui seront donc les premiers au monde à mettre fin à l’élimination des poussins mâles. Ils souhaitent que d’autres pays européens les rejoignent.
Romain explique la situation actuelle : « Les poules pondeuses ont une durée de ponte d’un an en moyenne. À ce terme, dans l’industrie, elles sont remplacées, et tuées. En 2019, la France comptait ainsi 48,2 millions de poules pondeuses. Pour obtenir de nouvelles femelles pour la ponte, l’industrie fait éclore des œufs et trie ensuite les poussins à la naissance. Les mâles sont tués à ce moment-là – soit gazés, soit broyés –, et les femelles sont gardées pour la ponte. Environ 49,4 millions de poussins mâles ont ainsi été éliminés en 2020 (source : Eurostat + ministère de l’Agriculture). Le 16 octobre 2019, les ministres français et allemand de l’Agriculture s’engagent à arrêter de tuer les poussins mâles dans les élevages pour fin 2021. Il s’agit donc initialement d’une initiative commune avec un “partenariat bilatéral” entre les deux pays. Le nombre de poussins tués en Allemagne est similaire à celui de la France :45 millions. L’Allemagne a pris de l’avance sur la France et propose d’interdire dès le 1er janvier 2022 l’élimination des poussins mâles.»
Comment procéder ? Il convient d’appliquer le sexage « in ovo », dans l’œuf, afin de déterminer le sexe des poussins.
« Le diable se nichant dans les détails », Romain se demande quelles méthodes seront employées. Il énumère plusieurs technologies de sexage, certaines existantes, d’autres en développement. Pour garantir l’absence totale de souffrance, il convient d’intervenir rapidement : «Le grand enjeu en termes de bien-être animal est celui de la date du sexage. Pendant les premiers jours du développement de l’embryon, le poussin n’a apparemment pas développé le système neuronal lui donnant la possibilité de ressentir la douleur (nociception). Cependant, entre le septième et le treizième jour, le développement neuronal est important, et le poussin a un cerveau fonctionnel à partir de ce moment-là. L’objectif est de déterminer les œufs contenant des poussins mâles avant l’éclosion et de les détruire avant le terme. Idéalement, donc, il faut détruire les œufs avant que les poussins soient capables de ressentir la douleur.»
Luce Lapin