Amérique du Sud : on saigne bien les juments
Le placenta des juments gestantes produit une hormone, l’eCG, gonadotrophine chorionique équine (equine chorionic gonadotropin), qui est extraite de leur sang dans des fermes, en Argentine et en Uruguay, et utilisée dans nos élevages, car elle fait ovuler les femelles sur commande — d’où une plus grande « production »… donc profit. « Pendant deux mois et demi, des juments gestantes subissent des prélèvements sanguins massifs hebdomadaires. Elles sont ensuite avortées, mises à la reproduction et saignées à nouveau. Et ainsi de suite jusqu’au départ pour l’abattoir » (vidéo).
Entretien avec Adeline Colonat, directrice de campagne des « fermes à sang » pour Welfarm – PMAF, Protection mondiale des animaux de ferme.
Qui a révélé, en 2015, l’existence des fermes à sang ?
Deux associations : une suisse, la TSB, (Tierschutzbund Zürich), et une allemande, AWF (Animal Welfare Foundation). L’enquête a été diffusée en Suisse et en Allemagne. En France, Welfarm a dévoilé le scandale de ces fermes en octobre 2017. Depuis 2015, 80 % des élevages de porcs suisses ont renoncé à l’eCG, suite à l’appel au boycott des interprofessions, des vétérinaires et même des distributeurs. Ils l’ont remplacée par deux molécules synthétiques, disponibles en France : la buséréline et l’altrénogest. Le labo américain MSD (Merck Sharp and Dohme) a renoncé à se fournir en Amérique du Sud. La semaine dernière, juste avant que la vidéo soit diffusée en Allemagne, l’allemand IDT Biologika a annoncé par communiqué de presse qu’il ne se fournissait plus, lui non plus, en Amérique du Sud. Les choses avancent… Il ne reste plus qu’au français Ceva et à l’espagnol Hipra de prendre le même engagement ! C’est l’objectif de notre campagne.
Que prétend le laboratoire Ceva ?
Depuis 2015, Ceva dit avoir mené « des audits stricts » chez son fournisseur, la ferme Syntex Argentine. Ils n’ont pas voulu nous en communiquer les résultats, mais ils nous affirment, dans un courrier du 7 décembre 2017, n’avoir « relevé aucune forme de maltraitance sur les juments ». Seulement, les images que nous avons diffusées mercredi dernier y ont été filmées en janvier 2018, soit un mois plus tard… Les violences exercées sur les juments sont tout aussi révoltantes que sur la vidéo de 2015. Cela montre simplement que nous, associations, ne pouvons pas nous fier aux audits des laboratoires, qui sont des clients des fermes à sang et qui ont donc des intérêts financiers en jeu. D’autant plus que les fermes pourraient écarter les juments faibles ou blessées le jour de l’audit ou demander aux employés d’avoir un comportement exemplaire ce jour-là.
Ceva propose l’arrêt des avortements…
Cela paraît être une bonne mesure. Mais la durée de la gestation des juments étant de onze mois, les fermes vont-elles doubler (au moins) le nombre de juments pour maintenir la production ? Et que vont devenir les milliers de poulains mâles qui naîtront chaque année ? Ils partiront à l’abattoir ? Quand on connaît la façon dont sont transportés et abattus les chevaux en Amérique du Sud, on a du mal à y voir une amélioration pour les animaux1 !
1. Mais cela n’empêchera pas les juments d’être saignées… L. L.
Quelle est notre responsabilité ?
La France a importé depuis l’Uruguay pour 5,12 millions de dollars d’eCG en 2017. Pour 2018, on en est déjà à près de 4 millions. Qui importe tout cet eCG en France ? C’est une donnée confidentielle que les douanes ne peuvent nous communiquer… (Fin)
Animal Testing a demandé à Frédérique Vidal, ministre de la Recherche, la liste des labos qui utilisent l’eCG.
Propos recueillis par Luce Lapin
Photo Welfarm