La corrida : « Ni art ni culture »
L’auteure : « J’étais fortement scandalisée, outrée, chagrinée, opposée au genre de spectacle qui met en scène la souffrance d’un animal pour la gloire de l’homme. Je ne savais pas encore quelle tournure cette nouveauté allait prendre dans mon âme et dans ma vie, mais je devinais qu’une rébellion s’était levée sans retour en arrière possible […]. “L’émotion est la source principale de toute prise de conscience. Point de passage de l’obscurité à la lumière, ni de l’inertie au mouvement, sans émotion” » (L’Âme et la Vie, de Carl Gustav Jung. Jung, et c’est compréhensible, est très présent tout au long du livre).
Analyste jungienne et écrivaine, Isabelle Nail s’intéresse très jeune à l’histoire du château d’Angers, « dont l’ombre s’étendait sur la rue de [son] enfance », et pas du tout à la corrida. Dans ses livres d’espagnol, qu’elle étudie, aucune image sanglante, rien qui l’alerte. Et pourtant, « coïncidence troublante », le dieu Mithra lui envoie un signe…
En Espagne (Málaga, Madrid) d’abord, puis en France, à Arles, Isabelle Nail découvre, durant « la saison », les affiches et les annonces des corridas et, simultanément, elle apprend l’existence des opposants à la « torture tauromachique ». C’est à Dax, où elle va vivre pour raisons professionnelles, que son engagement contre ce qui lui apparaît au fil du temps comme une véritable barbarie exercée sur un animal sensible se concrétise. Rencontre avec le CRAC Europe pour la protection de l’enfance et la FLAC, Fédération des luttes pour l’abolition des corridas. Puis — et c’est important — la militante s’engage en politique.
Isabelle Nail avec le grand criminologue Jean-Pierre Bouchard, qui a intégré le comité d’honneur de la FLAC en septembre dernier.
Élue Europe Écologie-Les Verts au conseil municipal de Dax lors des élections de 20008, elle s’oppose, avec deux autres conseillers municipaux EELV, Sylvie Laulom et Jean-Marie Vignes, au maire PS Gabriel Bellocq. Ils s’affichent comme anticorrida en soutenant les militants tabassés à Rion-des-Landes le 24 août 2013. La sanction est immédiate… et démesurée. Puis manifestation, le 8 septembre 2013, avec le CRAC Europe. Isabelle Nail est « accusée [par le maire] d’encourager, si ce n’est de fomenter la violence en notre bonne ville thermale »…
Dax, ville taurine. Isabelle a tout compris : « Ici, il n’est pas “interdit d’interdire”, il est interdit de dire. » ABOLITION !
Luce Lapin
• Ni art, ni culture, essai. Éditions Astobelarra, Le Grand Chardon (mai 2014), 238 pages passionnantes (17,50 euros). Ça se lit d’une traite ! En vente en librairies. Couverture : peinture de Thierry Hély, président de la FLAC.