Anticorrida : le diable est à la porte !

Anticorrida : le diable est à la porte !

photo : Isabelle Nail

Une fois de plus, les tortionnaires, qui ne supportent pas de s’entendre traiter de la sorte, se sont montrés zélés à retourner la situation dans leur inévitable réponse à l’événement du lundi 24 mars 2014. Les défenseurs de la cause animale et du taureau en cette occasion sont encore une fois traités par nos « gentils » aficionados de délinquants et de hors-la-loi dans l’article du journal Sud-Ouest du jeudi 27 mars. Le sieur matador dénommé Viard et Diane chasseresse Darrieussecq, récemment réélue en son fief taurin montois, ont ressenti l’urgence de défendre leur indigne tradition, cause perdue à plus ou moins long terme. Ils bénéficient du renfort non négligeable du maire offensé de Rion-de-Landes affirmant son inquiétude (bien justifiée) de voir les prochains spectacles perturbés, et déguisant à peine la menace que « quelque chose de grave n’arrive » si les manifestations ne cessent pas.

Les « gens du mensonge », qualification que j’emprunte au psychiatre américain Scott Peck, ne sont pas à une affirmation près, dans le plus pur style Viard : « Quand on se sait coupable, on cherche à gagner du temps en sachant que le couperet finira par tomber. » S’agirait-il de celui de notre bonne vieille guillotine ? Ou encore, parlant du CRAC Europe : « […] le casier judiciaire de son président n’est plus vierge ». Et, pour finir, l’auguste personnage déploie sa certitude que la justice « finira par rattraper tous les délinquants ». La loi demeure encore, pour Geneviève Darrieussecq, présidente de l’UVTF, Union des villes taurines françaises, la grande espérance des aficionados de se voir défendus contre les attaquants anticorrida regroupés en « ces mouvements plus ou moins obscurs ». Diantre, le diable est à la porte de chez nous, chassons-le !

Madame la maire de Mont-de-Marsan, défenseure du droit de ses administrés à se rendre aux arènes pour se distraire de la torture et de la mort du taureau, use encore des vieux arguments chers aux aficionados et dénonce les intentions des « antitaurins » qui « ne recherchent qu’une chose : l’affrontement ».

Enfin, le renfort de Rion termine sur le ton « mi-figue mi-raisin » de qui admet que l’on puisse lutter pour l’abolition, mais rappelle que ces personnes sont tellement « persuadées de détenir la vérité qu’elles en arrivent à se mettre hors la loi, avec ce qu’elles appellent la désobéissance civique… ». En conclusion, les anticorrida sont contre la démocratie et non pas l’inverse, comme nous avons pu le constater à Dax lors de l’exclusion des élus écolos anticorrida et comme nous le constations encore ce lundi avec ce procès d’un autre âge.

En ce pluvieux jour de printemps, je n’ai vu que d’ardents défenseurs de la cause animale, révoltés contre la cruauté de la corrida et prêts à payer de leur personne pour qu’elle soit définitivement abolie. Entourés de leurs avocats, ils ont  marché d’un pas ferme à travers les rues de la cité thermale bouclées par les forces de l’ordre, se heurtant à deux barrages avant de pouvoir accéder au tribunal grâce à l’intervention d’un huissier de justice. À l’audience pourtant publique, nous avons bien cru que même les prévenus ne pourraient accéder.

Pas moins de quinze cars de CRS assuraient le maintien de l’ordre public menacé par une probable manifestation anticorrida, laquelle réunit devant le tribunal une petite centaine de militants armés de pancartes et banderoles. Sous la pluie et dans le calme, ils attendirent quatre heures durant la sortie des huit personnes citées à comparaître. Quelques aficionados vinrent tenter la provocation,  vite contenus par les CRS, après quoi un dialogue de sourds s’engagea brièvement avec des manifestants.

Pendant ce temps, au tribunal, mes oreilles sonnaient tandis que le bâtonnier des taurins déversait les arguments incontournables de la tradition et de la bonne petite famille qui se rend tranquillement à son spectacle de cruauté après le rugby, puis s’enflammait avec grands effets de manches, à l’évocation des injures lancées par Jean-Pierre Garrigues à l’adresse des spectateurs de la novillada du 24 août à Rion-des-Landes. Après quoi, la plaidoirie de maître Nguyen Phung coula comme du miel, emportant la partie. Le mot « terroristes » avait tout de même été lâché par le fameux bâtonnier, n’étonnant personne dans la salle et ne provoquant nulle émeute !

Avant cet épisode, les sympathiques avocats avaient défendu leurs parties avec enthousiasme et brio. Ce fut un réel plaisir de faire leur connaissance.
Quelle étrangeté, pensai-je, que de devoir juger des « cœurs purs » offensés, indignés par la pratique de la torture suivie de mise à mort du taureau, organisée en un spectacle pour tous revendiqué par ses adeptes comme « familial » !

Les foulées des manifestants vont poursuivre leur marche ou leur course tout au long d’une saison 2014 déjà entamée, dérangeant sûrement, terrorisant certainement pas, livrant bataille à leur manière, afin que le « toro » redevenu taureau ne subisse plus la cruauté de l’homme, afin que cesse la transmission d’une indigne tradition.

Isabelle Nail
Conseillère municipale de Dax
28 mars 2014