Foie gras : la souffrance jusqu’au fond de la boîte

Foie gras : la souffrance jusqu’au fond de la boîte

En France, chaque année, durant deux semaines, enfermés dans de minuscules cages dans lesquelles ils ne peuvent pas se tenir debout, ni se retourner, ni étendre leurs ailes, ni se baigner, négation même de leur état d’animaux aquatiques, quelque 37 MILLIONS de canards et 700 000 oies subissent le gavage. La France produit 76 % du foie gras mondial.

Les éleveurs leur enfoncent, deux à trois fois par jour, un tube de métal dans la gorge jusqu’à l’estomac, qui provoque blessures et maladies. « Il faut se battre avec les canards, qui cherchent à fuir l’enfoncement de l’embuc. […] On n’ose pas trop enfoncer, on ne veut pas [les] tuer quand même. » C’est vrai, « quand même »… Durant le gavage, le taux de mortalité est huit fois plus important qu’en période d’élevage. Plus d’un million d’entre eux n’y résistent pas. Les survivants sont électrocutés puis égorgés. Et pourtant, ainsi que le stipule la directive européenne du 20 juillet 1998, « aucun animal [ne doit être] alimenté ou abreuvé de telle sorte qu’il en résulte des souffrances »… Que fait l’Europe ?

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Seules les canes sont « épargnées ». Dès que je vous aurai expliqué, vous allez tout de suite comprendre en quoi les guillemets dont j’ai affublé le mot « épargnées » sont indispensables. Leur foie étant considéré comme moins bon, elles sont jetées vivantes, dès la naissance, dans une broyeuse. Vivantes, broyeuses. Vivantes… Guillemets, guillemets.

« La machine à gaver envoie la dose même si le jabot est saturé […], il arrive que des jabots éclatent » (Philippe Lapaque, ex-gaveur indépendant repenti). Les doses de nourriture ingérées de force vont de 200 grammes à presque un kilo en fin de gavage. Les foies par eux-mêmes passent de 100 g à 500-600 g, et peuvent peser jusqu’à 1 kg. Ce foie « gras », plein de toxines, est l’organe d’un oiseau atteint de stéatose hépatique. Voilà ce que vous trouvez « si bon », et que vous payez si cher : le prix de la souffrance infligée à un être sensible qui la ressent. ET VOUS EN MANGEZ ? Alors, bon appétit, si vous vous régalez de ces foies malades et souffreteux, atteints de stéatose hépatique. Et bonne conscience…

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Dans l’Union européenne, le gavage des oies et des canards est interdit en Allemagne, en Autriche, au Danemark, en Finlande, en Irlande, en Italie, au Luxembourg, aux Pays-Bas, en Pologne, dans la République tchèque, au Royaume-Uni et en Suède. La France (75 %), la Hongrie (11 %), la Bulgarie (7 %), l’Espagne (2 %) et la Belgique (0,5 %) réunies produisent 96 % du foie gras mondial. L’Argentine, Israël, la Finlande l’ont également interdit. Malgré tout, pour les chercheurs de l’INRA (Institut national de la recherche agronomique), « aucun élément scientifique ne permet de dire » que le gavage « est une source de mal-être animal ». Selon eux, c’est  « indolore ». Si des experts indépendants l’affirment… Mais, lorsque l’on sait que les études de l’INRA sur la légitimité du gavage sont commandées et financées en bonne partie par le CIFOG (Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras), dont l’objectif est « l’élaboration d’un argumentaire scientifique en faveur de la production du foie gras », on ne peut pas vraiment parler d’« indépendance » dans ce cas…

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En 2005, le Royaume-Uni a importé 6 205 tonnes de foie gras, dont 507 tonnes de France. Dans une lettre aux parlementaires britanniques, Roger Moore a soutenu en juin de cette même année la campagne de PETA (People for the Ethical Treatment of Animals) visant à interdire la vente de foie gras au Royaume-Uni. « Je pense que nous assisterons bientôt à la fin de ce mets brutal et par nature cruel », a-t-il écrit, joignant un DVD accusant le gavage. Pas dit son dernier mot, cher James. Le 13 novembre dernier, Roger Moore est parti en campagne en Angleterre afin de tenter d’en faire interdire la vente. Mais vous allez m’objecter qu’il vous est impossible de vous en passer… La question n’est évidemment pas de savoir si on aime ou non le foie gras, mais si causer tant de souffrance à un être sensible, qui la ressent, et c’est le cas de tous ceux qu’on nomme « les bêtes », à poil, à plumes ou à écailles, est, d’un « simple » point de vue éthique, mais c’est ce qui fait la différence, tout bonnement acceptable. À votre réflexion…

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Luce Lapin
29 novembre 2009
Écrit il y a cinq ans déjà, d’une triste actualité…

l214.com, stopgavage
• Photos : Stop Gavage/L214