Poussins : quand les parlementaires découvrent la (vraie) vie

Poussins : quand les parlementaires découvrent la (vraie) vie

Donc les médias s’en sont enfin émus récemment, c’est une bonne chose. D’accord, longtemps après que l’association L214 l’a dévoilé, mais mieux vaut tard…

Broyer 50 millions (par an) de petits qui sortent de l’œuf est une charmante délicatesse des éleveurs — vous savez, de ceux qui « aiment leurs bêtes ». Pourquoi les tuer ? C’est tout simple. Les femelles sont de futures poules pondeuses, destinées à passer leur vie — courte : abattues entre 1 an et 15 mois — dans ces grands hangars où chacune occupe la surface d’une feuille de papier A4 plus — le luxe — l’équivalent d’une carte postale. En revanche, cette variété de poulets n’est pas la même que celle qui a la grande chance de mourir dans les abattoirs pour la consommation. Vu qu’ils ne « servent à rien », ils sont considérés comme de simples déchets et broyés ou, sympathique variante, étouffés dans des sacs-poubelle. Petit poussin mâle qui sort de l’œuf n’a aucune chance de découvrir le monde, c’est la mort direct. Explication.

Les poussins défilent en grand nombre sur un tapis roulant, des employés les saisissent, regardent le sexe, jettent dans la broyeuse, au centre, les mâles, gardent les femelles. Ça va très vite, et j’imagine qu’on peut ajouter l’horreur à l’horreur, qu’il arrive aux employés… de se tromper. C’est l’excellente association L214 Éthique & Animaux qui a révélé, en novembre dernier — ça fait déjà quelques mois —, une vidéo de l’élimination des poussins dans un couvoir breton (et signez la pétition !).

Le ministre de l’Agriculture allemand, Christian Schmidt, a annoncé la fin de l’élimination des poussins mâles, broyés ou gazés dans les couvoirs, d’ici à 2017, remplacée par la spectrométrie, une méthode qui permet de connaître le sexe dans l’œuf dès le troisième jour et de ne pas laisser l’embryon se développer. C’est pour moi l’occasion de vous (re)dire que, si les végétaliens ne mangent pas d’œufs, qui ne sont pourtant pas des êtres vivants, c’est pour ne pas être complices, à la fois du broyage et des conditions de « vie » épouvantables des poules pondeuses.

Dans le courant du mois d’août 2015, 36 parlementaires (ah bon, seulement ? et les autres ?), députés (ils sont 577) et sénateurs (ils sont 348), de toutes tendances, se sont insurgés contre le broyage des poussins, et ont interpellé le gouvernement, en l’occurrence Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture — dont la « fibre animale » n’est pas flagrante (courtois euphémisme). C’est bien, c’est louable… et mieux vaut tard. Mais quand même. Ils n’étaient pas au courant ? Le rôle d’un représentant de la République n’est-il pas de s’informer sur tous les sujets, y compris sur les conditions d’élevage de ceux qui passent à la casserole ? En France, rien qu’en France, chaque jour, plus de 3 millions de mammifères et d’oiseaux, que nous qualifions bien légèrement de « frères inférieurs », meurent dans les abattoirs — soit plus de 1 milliard par an. On perçoit depuis quelque temps un frémissement de la part des élus (en tout cas de certains…), qui semblent enfin prendre en considération le sort des animaux de ferme.

La protection animale va-t-elle enfin devenir incontournable en politique, y compris dans les urnes ?
Luce Lapin

• Photo L214