Les tueurs de loups sur le pied de guerre/Par Fabrice Nicolino

Les tueurs de loups sur le pied de guerre/Par Fabrice Nicolino

Mobilisation générale pour les élections régionales ! Pour faire plaisir au lobby de la chasse, le gouvernement autorise la chasse au loup, malgré une loi européenne. De leur côté, les sarkozystes promettent la lune aux amoureux de la gâchette.

Pourquoi tant de haine ? La ministre de l’Écologie, Royal, vient d’annoncer la création d’une « brigade d’appui aux éleveurs » pour mieux dézinguer des loups. L’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) passe des annonces de recrutement au titre alléchant : « Emploi d’avenir Brigade loup H/F ». Dans le détail, le but est sans détour de participer à la grande chasse par « la mise en œuvre des mesures de gestion des populations de loups ».

La bête du Gévaudan et Le Petit Chaperon rouge, du père Perrault, n’expliquent qu’en partie la très vaste détestation de l’animal. De la Confédération paysanne au ponte de la FNSEA, Xavier Beulin, en passant par José Bové et une grande partie de la galaxie altermondialiste, l’unité est faite. L’été 2015 est celui des viandards et des tableaux de chasse. Qui va décrocher la timbale ? Qui posera devant sa cheminée électrique la peau d’un loup ? Des milliers de chasseurs s’apprêtent à traquer l’animal jusqu’au fond des chiottes, et voici pourquoi.

L’État et le ministère de l’Écologie ont décidé qu’ils s’en foutaient totalement. Le loup est, sur le papier, un animal protégé par une directive européenne et une convention internationale, dite de Berne. Dans la réalité, on peut le buter de plus en plus facilement. L’an passé, des arrêtés extravagants fixaient à 24 le nombre de loups « chassables » en France, et 19 ont été « légalement » abattus. Mais il faut y ajouter le braconnage, qui en aurait fait disparaître 18 selon l’association FERUS. Toujours plus fort : les dérogations portant sur la période juillet 2015-juin 2016 autorisent la mort de 36 loups, et 5 ont déjà été abattus, parfois avec des moyens de visée nocturne et des fusils de très haute précision.

Combien sont-ils chez nous ? Même l’État reconnaît une baisse sensible d’une année sur l’autre. Très loin des fantasmes — les plus créatifs parlaient de 500 loups —, l’ONCFS estimait leur nombre à 301 en 2014 et 282 en 2015. L’un des bons connaisseurs du dossier, le naturaliste Jean-Marie Ouary, évoque de son côté un chiffre inférieur à 200. Dans tous les cas, c’est ridicule : le loup, présent sur le territoire que nous appelons la France depuis des centaines de milliers d’années, a été éradiqué à coups de strychnine et de flingot après la Première Guerre mondiale. On en comptait autour de 15 000 au XVIIIe siècle.

Qui ne comprendrait les plaintes des éleveurs ? Quand il le peut, un loup s’attaque en effet à des brebis, dont on oublie de dire qu’elles sont destinées à l’abattoir. La plupart des défenseurs du loup admettent qu’il y a un problème de cohabitation : les solutions proposées, comme le gardiennage par des gros chiens patous, ne règlent en effet pas tout, de loin.

Mais les viandards se cognent éperdument du réel : leur fonds de commerce, c’est l’adrénaline. Et peut-être plus qu’un poil de politicaillerie. Il y a quelques jours, le regroupement d’associations appelé CAP Loup annonçait le dépôt d’une plainte contre la France devant la Cour européenne. Dans un communiqué loin des habituels larmoiements, CAP note que « le déferlement d’arrêtés préfectoraux de tirs ne peut qu’émaner d’instructions ministérielles destinées à contenter les lobbies agricoles et cynégétiques en période de campagne électorale pour les régionales, dans un pathétique concours politicien ».

C’est très loin d’être impossible. Les socialos, qui s’attendent au pire aux prochaines élections régionales, sont prêts à tout pour sauver les meubles. Et la concurrence sera terrible, car Les Républicains de Sarkozy sont de leur côté décidés à toutes les gâteries. Dans le dernier numéro de Plaisirs de la chasse, revue bien informée, on peut lire : « Nicolas Sarkozy a pris l’engagement auprès de Bernard Baudin, président de la Fédération nationale des chasseurs, qu’il veillerait “personnellement” à ce que dans les Régions gagnées par les Républicains en décembre prochain, les chasseurs prennent “des responsabilités, à travers la présidence de la commission environnement”. »

À droite comme à gauche, les loups sont donc dans le viseur. Ils feraient bien de se planquer, mais où ?
Fabrice Nicolino

• Grand merci à l’ASPAS pour la photo!