Galgos et podencos : dans l’enfer de la tradition
Quijo, galgo, trouvé errant
Depuis quand l’Espagne utilise-t-elle des lévriers, galgos et podencos, pour chasser le lièvre ? Depuis des siècles, pour ne pas dire toujours, semble-t-il. Au XVIIIe, dans La Partie de chasse (1775), Francisco de Goya peint une scène où un galgo court avec les chevaux. Sans doute le martyre de ces chiens n’est-il pas récent – encore que l’Histoire ne dit pas si les Espagnols de l’époque étaient aussi cruels envers ces chiens qu’ils le sont aujourd’hui.
À notre époque, les galgos qui n’ont pas été jugés suffisamment performants à la chasse sont déclarés sucios (« sales »), et doivent être punis du « déshonneur » qu’ils ont infligé à leurs propriétaires, les galgueros : c’est la sacro-sainte tradition… Ils sont pendus – les pattes touchant presque le sol, pour que le plaisir dure plus longtemps –, ou traînés à l’arrière d’une voiture, ou jetés dans un puits, voire brûlés, et pis encore si c’était possible. À partir du mois de février, la saison de chasse se terminant en janvier, quelque 50 000 individus sont ainsi tués chaque année de façon épouvantable, agonisant dans de grandes souffrances.
L’empathie et la compassion n’ayant pas de frontières, plusieurs associations françaises, émues par le sort terrible des galgos et podencos, s’efforcent de venir en aide aux protecteurs espagnols qui les recueillent, du moins ceux qui, par chance, survivent, dans des refuges surpeuplés. Les placements dans le pays même sont effectivement rarissimes. Je connais très bien le CREL, Club de reconnaissance et d’entraide aux lévriers, créé en 2009, pour avoir assisté, fin septembre 2014, à leur siège dans les Vosges, à l’arrivée du camion de l’Arca de Noé, en provenance d’Albacete. Un long chemin pour sauver des lévriers, pré-adoptés, ou, à défaut, placés en famille d’accueil, après une visite médicale de contrôle sur place (sérieux, le CREL !). J’y ai fait connaissance, et sympathisé, avec Cristina Quintana Milán (¡Hola, Cristina !), dudit refuge d’Albacete, totalement dévouée aux animaux (et présente à la marche, ci-dessous).
Dans le « meilleur des cas », ces lévriers sont abandonnés dans des refuges espagnols déjà surpeuplés. Des associations comme le CREL s’efforcent de les faire adopter en France. Le point avec Jérôme Guillot, président et cofondateur.
Après la chasse, c’est l’horreur. Avant, c’est mieux ?
Loin de là… Sélectionnés dès la naissance, les plus faibles sont éliminés, jetés vivants dans des puits, et même dans les ordures. Quant aux femelles, elles vivent dans des cages, sont sous-alimentées, et n’ont parfois même pas la force de se lever. Les mâles jugés « les meilleurs » serviront de reproducteurs, les galgueros étant toujours à la recherche d’une lignée plus rapide et efficace. Pendant la période de chasse, les lévriers doivent courir durant des journées entières sans pouvoir boire ni manger, continuellement affamés, afin que leur instinct soit plus fort que leur état de santé. La journée terminée, ils sont entassés par dizaines dans des mouroirs pourris de salissures, qui leur servent de niches. La saison de chasse achevée, le sang des galgos et podencos considérés comme moins bons devra « laver l’honneur » de leur maître. Ils seront pendus, brûlés, estropiés – une véritable punition qui se conclura par une mort lente.
Quijo sur la bonne route, celle de l’adoption : il vous attend !
Que vise le CREL ?
Contrairement à ce que vos lecteurs pourraient croire, eu égard aux sauvetages que nous pratiquons plusieurs fois dans l’année en collaboration avec l’Arca de Noé, notre refuge espagnol d’Albacete, les adoptions ne sont pas notre objectif principal. Nous souhaitons avant tout faire prendre conscience de l’hécatombe que subissent les lévriers hors période de chasse. Pour cela, nous sollicitons régulièrement la presse pour rallier un maximum de monde à cette cause afin de dénoncer cette barbarie au gouvernement espagnol, et la faire connaître en Europe. Le CREL répond à toutes les demandes allant dans ce sens, met en place et participe à toutes les manifestations de grande envergure afin de protester contre ce massacre. Chaque année, le premier samedi de juin (cette année, ce sera le 4), nous organisons une grande marche à Strasbourg, capitale européenne, avec nos lévriers.
Quelle aide apportez-vous à l’Arca de Noé ?
En 2015, 33 de ces lévriers – tous pucés, vaccinés, stérilisés, visite médicale à l’arrivée – ont été amenés en camion d’Espagne à notre siège social, à Corcieux (Vosges), en quatre voyages. Ils étaient soit préadoptés, soit attendus dans des familles d’accueil jusqu’à leur placement. Le camion ne repart jamais à vide ! Grâce à des dons, plus de 30 tonnes de croquettes sont livrées par an à ce refuge – où les bénévoles sont exemplaires. Une info en primeur pour vous : un échographe de grande valeur sera offert à l’Arca, livré fin mars 2046. La belle Pénélope
• Important. Le CREL n’a pas de responsables dans toutes les régions. Si vous êtes intéressés, contactez-le.
• Pour adopter, ou pour vous proposer comme famille d’accueil, c’est ici.
• « ¡Un Millión de Patas Marchan por la Justicia ! » Dimanche 7 février 2016, « un million de pattes » ont marché pour l’interdiction de l’utilisation de lévriers à la chasse. Quinze villes d’Espagne, dont Alicante, Barcelone, Madrid, Albacete, Salamanque, Séville, Tolède, Saragosse, etc., étaient représentées – ont également participé la France, l’Allemagne, la Belgique, la Suisse… Le CREL les accompagnait.
Luce Lapin
Photos : CREL