Incendies, sécheresse… ni chasse ni pêche !

Incendies, sécheresse… ni chasse ni pêche !

                                 Photo de la corneille : Marc Giraud

Du jamais-vu. Les feux ont frappé partout dans le monde durant ces deux derniers mois, présents en nombre comme en intensité. En France, ils ont sévi dans des départements jusque-là épargnés. Des pompiers ont été blessés plus ou moins gravement, l’un d’eux est décédé durant une intervention. Du côté des habitants de la forêt, quel bilan ? J’ai demandé à Marc Giraud, naturaliste de terrain, journaliste, écrivain et porte-parole de l’Association pour la protection des animaux sauvages, son ressenti, quels animaux étaient touchés, lesquels suscitent le plus notre compassion, et pourquoi :

« Les écologistes et les scientifiques devraient être contents, mais ça n’est pas le cas : tout ce pour quoi ils alertent le public depuis des années est en train d’arriver, et il n’y a pas de quoi se réjouir.

En 1974, quand René Dumont brandissait un verre d’eau pour alerter sur sa raréfaction, il prédisait exactement ce qui nous arrive aujourd’hui. Les sécheresses et les incendies de l’été 2022 sont déjà une référence, et les comparaisons avec ce qui précède montrent que tout a basculé. Bientôt un printemps silencieux ?

Toujours aussi bornés, les médias dominants nous montrent consciencieusement, sans aucun recul, aucune réflexion, les incendies et les personnes évacuées. Avec un anthropocentrisme crasse fixé dans le béton, ils nous font systématiquement le bilan des victimes humaines et matérielles. Et quid des animaux, sauvages ou non ? Pour la faune, les sécheresses à répétition et les incendies sont des catastrophes bien plus graves encore, car elles sont irréversibles. Les victimes les plus visibles sont les poissons, privés de leur milieu de vie, agonisant par milliers dans l’eau brûlante, séchés sur la boue fissurée. Avec eux trépassent les grenouilles, les insectes et tant d’autres misérables bestioles sur lesquels personne ne semble se pencher, mais qui sont les bases de toute chaîne de vie. Même phénomène avec les animaux terrestres : seuls les plus gros arrivent à toucher nos consciences, une image de faon ou de sanglier sauvés des flammes nous cache l’hécatombe silencieuse de nos forêts en cendres. Même les oiseaux ne peuvent échapper aux incendies géants et aux gaz toxiques.

Des survivants vulnérables

Mais pas besoin de feu pour tout griller : le manque d’humidité se fait sentir de plus en plus profondément dans le sol, et, dans de nombreux endroits, c’est toute la microfaune qui se meurt. Des phénomènes inédits apparaissent : des taupes se montrent hors du sol, des sangliers ou des renards errent en plein jour, sur les plages ou près de canalisations, des oiseaux s’attaquent à des récoltes auxquelles ils ne touchaient pas auparavant. Et surtout, la disparition inéluctable des vers et des insectes qui nourrissent tous les autres provoque des effets domino. Il est impossible de dénombrer les millions, et certainement les milliards d’animaux déjà tués par ces phénomènes climatiques, mais il est certain que les survivants sont plus vulnérables que jamais. C’est la raison pour laquelle l’ASPAS en appelle à une trêve de la chasse, et s’apprête à envoyer des courriers précontentieux aux préfets des départements concernés. Son slogan ? «Chasseurs, montrez-vous responsables, posez vos fusils !»
Propos recueillis par Luce Lapin