Horreur dans un élevage : circulez, c’est rien… c’est juste des lapins

Horreur dans un élevage : circulez, c’est rien… c’est juste des lapins

Les conditions de détention, du « 100 % cage », grillage à tous les étages, des lapins destinés à la consommation n’émeuvent pas grand monde dans les chaumières, et encore moins dans les assiettes. Jeudi 26 juin 2014, L214 a rendu publique une enquête sur une exploitation intensive insalubre, à Augan, dans le Morbihan, dans laquelle survivent, et parfois agonisent, quelque 5 000 lapins dans une souffrance extrême. L214 a demandé aux services vétérinaires la fermeture d’urgence de cet élevage. Entretien avec un des porte-parole de l’association, Sébastien Arsac.

Qu’a de particulier l’élevage de lapins du Tertre ?
Au niveau de la taille, c’est un élevage tout à fait dans la moyenne française, avec 500 mères lapines reproductrices — donc dans les 5 000 lapins au total, en comptant les lapereaux en engraissement. Les lapins sont enfermés toute leur vie dans des cages au sol grillagé. Pour donner une idée des densités d’élevage, un lapin dispose de l’équivalent d’une feuille A4, comme les poules pondeuses en batterie. Excepté un abreuvoir et une mangeoire, il n’y a aucun aménagement dans les cages.
Circonstances aggravantes : dans cet élevage, l’état sanitaire est absolument déplorable. Une couche épaisse d’excréments s’est accumulée sur les murs, sous les cages. Des lapereaux morts, et même certains parfois encore vivants, ont été jetés dans les fosses, sous les cages. Leur vie compte si peu ! Le local sanitaire est dans un état général de malpropreté et sert de débarras. On y trouve des outils rouillés, des emballages vides d’antibiotiques ou des hormones de reproduction, des seringues usagées…
Les images que nous avons diffusées ont choqué beaucoup de monde. Elles ont été vues par plus de 150 000 personnes en une semaine sur Youtube, ce qui est très inhabituel pour des images d’enquête. Notre pétition, hébergée sur la plateforme change.org pour demander la fermeture de cet élevage, a rassemblé plus de 130 000 signataires. Le 19/20 de France 3 Bretagne a diffusé des images de l’enquête ainsi qu’une interview de Bérénice Riaux, membre de notre association, en ouverture de journal — reportage également diffusé sur France 3 national dans l’édition des régions. Dès que nous avons eu ces images, nous avons alerté les services vétérinaires du Morbihan, qui ont mené une inspection dans l’élevage.

enquetes-elevage

Quelle fut la réaction du préfet ?
À notre grande stupéfaction, et contre toute attente, la préfecture a déclaré, par voie de presse, que l’élevage était conforme, tant du point de vue environnemental que du point de vue de la protection animale ! Et qu’elle ne prendrait donc « aucune mesure de fermeture administrative ». Nous déplorons l’incapacité des services de l’État à faire appliquer la réglementation et sa propension à considérer la protection animale comme une option dans les exploitations agricoles françaises. D’ailleurs, à maintes reprises, l’Office alimentaire et vétérinaire de la Commission européenne a souligné les carences des services vétérinaires français en matière de protection animale. Non seulement la fréquence des contrôles est ridicule (l’objectif du ministère de l’Agriculture étant de contrôler 1 % des élevages chaque année), mais en plus ils ne sont généralement pas suivis d’effet en cas de non-conformité. Et, encore une fois, ce sont les animaux qui en font les frais.

Quels sont les recours possibles ?
Suite à cette réaction inexplicable des services vétérinaires, nous avons demandé aux signataires de la pétition de réagir auprès de la préfecture en envoyant des courriers de protestation. Nous avons également réclamé la copie du rapport d’inspection des services vétérinaires, nous l’attendons avec impatience. Il est déjà arrivé qu’un constat de non-conformité majeure n’entraîne aucune réaction concrète de la part des services de l’État. Nous avons aussi décidé de porter plainte pour maltraitance envers des animaux, une nouvelle procédure juridique qui va entraîner des frais de plusieurs milliers d’euros pour l’association. Tous les soutiens sont bienvenus !

Quelles sont vos chances de vous faire entendre et d’obtenir justice pour les lapins — du moins pour les survivants ?
À L214, nous menons avant tout des campagnes d’information et de sensibilisation tournées vers les consommateurs, sans nous concentrer sur des cas particuliers. Mais il arrive que des situations particulières nous obligent à réagir. L’année dernière, suite à des mois de démarches de L214 auprès des services vétérinaires, un élevage de cochons en Haute-Savoie avait fini par fermer. Cette année, après des années d’enquête et de mobilisation, le transport des chevreaux vers les abattoirs dans des caisses non conformes a été amélioré par les principaux abattoirs du secteur, qui ont dû modifier leurs équipements. Nous ne nous décourageons pas d’obtenir gain de cause sur cet élevage de lapins, mais il va falloir se battre et mobiliser le soutien de toutes celles et tous ceux qui prennent la sensibilité des animaux au sérieux. On compte sur vous !

Rebondissement

• Le 10 juillet, L214 est assignée en référé d’heure à heure pour interdire la diffusion des photos et vidéos.
• Le 16 juillet, L214 porte plainte pour maltraitance animale.
• Le 17 juillet, l’audience du référé d’heure à heure est renvoyée par le juge au 28 août.

Vidéos et pétition
Cette nouvelle enquête fait suite à celle menée par L214 dans huit élevages de lapins différents en 2012 et 2013 :
http://www.l214.com/communications/des-lapins-blesses-et-malades-eleves-pour-la-viande
Propos recueillis par Luce Lapin