Crise de l’élevage : une détresse sociale prévisible

Crise de l’élevage : une détresse sociale prévisible

Tout individu, tout groupe social en détresse mérite une bienveillante attention.

Les éleveurs manifestent avec une virulence et des modes d’action que l’État ne tolérerait d’aucun autre groupe socio-professionnel. Nous entendons leurs problèmes, qui valent ceux des salariés du secteur public dont le point d’indice est gelé depuis six ans, celui des personnels hospitaliers soumis à une pression éprouvante, celui des étudiants dont les diplômes n’ouvrent aucune porte, celui des gens sans emplois, sans perspective, celui des personnes âgées au montant de retraite dérisoire.

Les militants qui protestent pacifiquement contre les corridas ou pour la défense des sites sans entraver la circulation, sans souiller les rues, sans intercepter des marchandises ne bénéficient pas de la même tolérance. Or l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme du 26 août 1789, intégré en préambule de la Constitution, proclame : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. » Néanmoins, abstraction faite de la pusillanimité des pouvoirs publics et des différences d’application des lois pénales selon que vous serez agriculteurs ou simples citoyens, salariés, étudiants, demandeurs d’emploi, il convient d’entendre la détresse de ceux qui affirment ne plus avoir les moyens de vivre de leur travail.

La cause de leurs difficultés ne tient qu’au mode de production mis en place par le principal syndicat agricole et par les partis politiques conservateurs et libéraux, à savoir, la loi du marché, la libre concurrence. Le libéralisme économique implique, ici comme en tout autre secteur, une course à la diminution des coûts de production, à la rentabilité, donc au gigantisme. Au terme de cette politique, les viandes et le lait seront fournis par d’immenses usines concentrationnaires. L’agriculture de demain, dans un régime d’adoration du Marché, se fera sans paysans, mais avec quelques unités gérées par des groupements financiers, avec des fermes de 1 000 vaches, 1 000 veaux, des milliers de porcs et  toujours davantage.

Dans la Creuse, le syndicat agricole a récemment mobilisé ses adhérents en faveur d’une telle « ferme », dite des 1 000 veaux, sans expliquer que ce mode d’élevage exclura très rapidement l’élevage à l’ancienne. La France comptait, il y a une vingtaine d’années, 400 000 producteurs de lait. Aujourd’hui, ils sont 80 000. La politique agricole prônée par les productivistes et les partis politiques conservateurs et libéraux tue le paysan et nie les exigences biologiques et éthologiques des animaux, transformés en pures marchandises. Car nos gouvernants, terrorisés par les colères agricoles, nos médias, soucieux de suivre sans trop d’analyse le mouvement, se gardent bien d’évoquer le sort des animaux.

On nous parle d’abattoirs, de cours des viandes, en oubliant que la vache et le porc sont des êtres sensibles. Qu’il nous soit permis de le rappeler.
Gérard Charollois
Président
Convention Vie et Nature pour une écologie radicale