Le bilan de Fourrure Torture

Le bilan de Fourrure Torture

En 2004, en réaction au lobbying intensif de l’industrie de la fourrure, Olivier Rafin crée, avec plusieurs militants, Fourrure Torture, dont il est le directeur. Ce collectif, qui fait partie d’International Anti-Fur Coalition (60 associations membres), relaie la campagne contre la reprise du massacre intensif des phoques au Canada. Olivier nous expose les cruelles conditions des animaux élevés pour leur fourrure et fait le point sur les nouvelles législations européennes.

Quels sont les débuts de Fourrure Torture ?

Alors que l’industrie de la fourrure menait un lobbying intensif auprès des chaînes de prêt-à-porter pour remettre la fourrure au goût du jour, plusieurs militants pour les droits des animaux décidèrent de s’allier au sein d’une campagne spécifique. Fourrure Torture, dédiée à la lutte contre le commerce de la fourrure et la chasse aux phoques, a décidé de frapper fort dès le départ en menant une journée d’action nationale contre les Galeries Lafayette, suivie aux quatre coins de France. Fourrure Torture s’est d’abord focalisée sur les chaînes de prêt-à-porter. Plusieurs grandes marques françaises ont alors décidé de cesser le commerce de la fourrure, comme avaient pu le faire d’autres marques internationales auparavant. Une liste actualisée des enseignes « sans fourrure » est disponible sur notre site Internet.
Fourrure Torture a lancé en 2007 la Journée Sans Fourrure, à l’occasion du premier samedi des soldes d’hiver. Cette journée, tombant début janvier, correspond au jour où il y a le plus de ventes de prêt-à-porter dans l’année : un bon moyen d’envoyer un message fort dès le début de l’année contre ce commerce. Beaucoup d’associations à travers la France relaient cette journée par le biais de manifestations, de happenings, de stands d’information…

Comment la fourrure a-t-elle pu revenir à ce point en force au début des années 2000 ?

Les campagnes de sensibilisation contre le port de la fourrure dans les années 80 et 90 ont fait fortement chuter les ventes. À cette époque, la fourrure était principalement vendue sous forme de pièces entières, comme les longs manteaux en vison ou en renard, et associée au luxe. Mise à mal, l’industrie de la fourrure a totalement changé de stratégie pour conquérir de nouveaux marchés. Le lobby de la fourrure est revenu en force au début des années 2000 en visant une plus large clientèle. La plus grande partie de la fourrure est vendue aujourd’hui sous forme de cols et d’accessoires, notamment dans les chaînes de prêt-à-porter. Les militants de Fourrure Torture ne comptent plus le nombre de personnes vêtues de blousons avec des capuches bordées de fourrure venant signer les pétitions à disposition sur nos stands d’information ! Beaucoup de personnes associent la fourrure au luxe, elles n’imaginent pas un instant qu’un vêtement à quelques dizaines d’euros peut être constitué de vraie fourrure. Pourtant, la vraie fourrure coûte parfois moins cher que la fausse !

Combien d’animaux massacrés, en France et dans le monde ?

Chaque année, plus de 65 millions d’animaux sont tués pour leur fourrure, notamment des visons et des renards. Mais, depuis une dizaine d’années, l’industrie textile utilise massivement la fourrure de lapin, dans le but de viser un large public et de démocratiser le port de la fourrure. La France compte une vingtaine d’élevages de visons : 150 000 visons ont été gazés en 2011. La fourrure d’environ 40 millions de lapins élevés en France repart dans l’industrie textile. Par son absence de réglementation pour les animaux et sa main-d’œuvre à bas coût, la Chine est devenue en quelques années le pays qui élève le plus d’animaux pour leur fourrure dans le monde (visons, renards, chiens viverrins…). Cependant, quels que soient les pays dans le monde, les méthodes d’élevage des animaux à fourrure sont les mêmes. Les animaux vivent dans des cages entièrement grillagées et minuscules. Les enquêtes menées ces dernières années dans différents élevages européens montrent que beaucoup d’animaux ne sont pas soignés tant que cela n’affecte pas la qualité de la fourrure, un grand nombre se mutile à cause du stress engendré par la captivité. À la fin de leur courte vie, les animaux sont gazés, électrocutés ou même dépecés encore vivants, comme le montrent certaines vidéos tournées en Chine.

Des actions spécifiques sur le plan international ?

Fourrure Torture a relayé dès 2005 la campagne contre la reprise du massacre intensif des phoques au Canada. Un large public pensait à tort que ce massacre faisait partie du passé, alors que seuls les blanchons (phoques âgés de moins de douze jours) ne pouvaient être chassés au Canada. La mobilisation internationale a permis à l’Europe et à la Russie d’interdire les importations des produits issus de la chasse aux phoques, et de rejoindre ainsi les États-Unis. Afin de lutter plus efficacement contre l’industrie de la fourrure au niveau international et de renforcer le lien entre les associations de défense animale luttant contre l’industrie de la fourrure, Fourrure Torture a soutenu la création en 2006 de l’International Anti-Fur Coalition. Cette coalition, qui compte aujourd’hui plus de soixante associations, a mené plusieurs journées internationales d’action contre l’industrie de la fourrure, notamment contre l’industrie chinoise, en plein essor. La principale campagne actuelle de la coalition est menée en Israël, où plusieurs projets de loi ont été déposés afin d’interdire le commerce de la fourrure.

Des avancées notables ces dernières années ?

Avec un chiffre d’affaire de 15 milliards de dollars par an, le lobby de la fourrure est très puissant. Malgré tout, les législations en faveur des animaux progressent à travers le monde. Le commerce de la fourrure de chats et de chiens domestiques est interdit au sein de l’Union européenne depuis 2009. Cependant, le chien viverrin, plus souvent appelé Finn raccoon ou tanuki par les fourreurs, pour moins effrayer les potentiels acheteurs, est encore une espèce autorisée. L’Union européenne a suivi l’opinion de ses citoyens en interdisant, depuis août 2010, les importations en Europe des produits dérivés de la chasse commerciale des phoques. La Russie a emboîté le pas en 2011. Le Canada et la Norvège mènent un lobbying intensif auprès des instances européennes et de l’Organisation mondiale du commerce pour annuler l’embargo européen. Les associations de défense animale en Chine se mobilisent aussi contre l’acharnement du Canada à vouloir conquérir ce nouveau marché pour écouler les peaux de phoques.
Depuis le 8 mai 2012, un nouveau règlement de l’Union européenne stipule que la présence de parties non textiles d’origine animale dans un produit textile doit être indiquée en faisant figurer la mention « Contient des parties non textiles d’origine animale » sur l’étiquetage ou le marquage du produit textile qui comporte de telles parties, lorsque le produit est mis à disposition sur le marché. Une dérogation est accordée cependant jusqu’au 9 novembre 2014 pour les articles déjà mis sur le marché. Fourrure Torture espère que ce règlement sera appliqué avec rigueur pour que les consommateurs, opposés au port de la fourrure, n’achètent pas par inadvertance des produits comportant de la fourrure véritable.

Propos recueillis par Luce Lapin
30 janvier 2013